« Come on Lola ! We’re already late ! » Elle soupire en se tenant le ventre. Transpirante, mal, douloureuse, elle ne comprend pas ce qui lui arrive en ce moment. Depuis le matin, elle a mal, elle crève de mal. Les cachets et l’alcool ni changent rien, ou très peu. Trop peu même. C’est une horreur. Dans sa petite robe noire, elle se sent serrée, elle étouffe, c’est incompréhensible. Ses seins ont grossi depuis peu au grand plaisir de ses clients. Marissa arrive et la prend par le bras.
« Lola ! We’re Late, Stevenson will kill us ! Please ! » Elle sort de ses rêveries et regarde son amie.
« I’m coming… » Elle enfile ses chaussures en se tordant. Elle se demande si elle ne va pas mourir sous la douleur lancinante. Elle fait quelques pas, mais s’effondre en hurlant.
« Oh my gosh… It hurts so much…. » Elle regarde ses jambes et voit le sang qui commence à couler, elle sent quelque chose d’anormal en elle. Terrorisée, Marissa appelle les urgences pour qu’on vienne rapidement les chercher. Une fois dans l’ambulance, elle entend les choses sans les comprendre. On la met sous oxygène, on lui pique les bras pour mettre des perfusions. C’est difficile pour les ambulanciers, elle se drogue tellement que toutes ses veines sont dévastées. La douleur ne s’arrête pas, au contraire, elle empire à chaque minute qui passe. Elle arrive dans une salle aux urgences, on la met sur un lit avec des drôles de trucs lui tenant les jambes, des étriers à ce qu’elle comprend. Elle panique, elle regarde tout le monde s’activer à ses côtés.
« What hell is going on ? » Elle crie, elle les fixe tous un par un. Finalement un médecin vient la voir, une femme d’une cinquantaine d’année.
« You’re going to have a baby, I know that it’s a choc, but you have to push as strong as you can to help him. You can do it ! » Un bébé ? Ils sont fous ou quoi ? Un déni de grossesse ? C’est impossible… non pas à elle.
« It can't be real…. » Comment cela aurait-il pu être réel hein ? Elle attrape les barrières sur le côté, son instinct lui dit de pousser même si elle ne comprend absolument rien à tout ce qui se passe. Il ne fallut que 40 minutes de souffrance infernale pour que le bébé vienne au monde. Bébé qu’on lui pose sur le ventre, mais qu’elle manque de faire tomber. Malgré ses 25 ans, elle agit comme une gosse apeurée.
« This is your daughter… Do you have a name ? » Un nom ? Sa fille ? Ils sont sérieux ? On place le bébé dans une couveuse à ses côtés. Durant la nuit, elle ne fait rien, elle ne dit rien, elle se contente de fixer ce bébé qui ne lui appartient pas. Et pourtant, lorsqu’elle voit sa petite bouille et ses grands yeux verts, elle ne peut s’empêcher de penser à lui. Elle lui ressemble avec sa tignasse noire.
« How it could be… » Le seul client qu’elle s’est autorisée à aimer, le seul client dont elle est heureuse de recevoir l’appel, ou de voir la voiture arriver. Depuis dix ans déjà qu’elle se prostitue, elle n’a jamais ressenti ça pour personne. Et maintenant, que va-t-elle faire avec un lardon dans les baskets ? On lui demande si elle veut l’allaiter, elle dit non, on lui demande si elle veut la changer, lui donner son bain, elle refuse. Le matin, un psychologue vient la voir, essayant de discuter avec elle. Tout ce qu’il voit, c’est une femme perdue qui ne s’attendait pas à donner la vie mais selon lui : All women are some good mothers. Peu de personne croyait en ses dires. Déjà deux jours et elle n’arrive pas lui trouver de nom et pourtant, elle commence à s’occuper de ce petit bout demandant une constante attention. Elle se dit qu’elle doit l’abandonner là. Mais en même temps, elle n’y arrive pas, car elle est sa fille à lui… A cet homme qui la rend dingue d’amour mais qui est trop pris, trop marié, et déjà trop papa. Elle lui en veut, elle s’en veut, elle en veut aussi parfois à son rejeton d’être venue au monde ainsi.
« Do you find a name ? » Elle sort de ses songes et regarde la sage-femme avant de soupirer faiblement, elle réfléchit et puis elle sourit.
« Juliet…. Charlie…. Juliet Charlie Oaks. » La blonde lui sourit gentiment et inscrit ça sur les registres.
« Don’t forget to tell it to the father. » Elle perd son sourire. Comment avouer ça ? Non c’était impossible. Enfin probablement non ? Elle soupire et se met assise en regardant encore son bébé. Sa fille, leur fille. Elle sort de la maternité et l’explique à son mac… Il est fou de rage, elle reçoit une gifle. Il fait en sorte qu’un médecin largement payé accepte de la stériliser comme si elle n’était qu’une chienne ayant mise bas sans permission, mais contre toute attente, il accepte le bébé en faisant signer une close à Lola. Il accepte la gamine, paye ce qu’il faut pour elle mais en échange, un jour, elle lui appartiendra. Elle a trop besoin de sa came, d’un toit, d’une babysitter pour continuer son boulot. Elle signe.
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L’enfance, est-ce que c’est vraiment un moment heureux ? L’adolescence est une partie un peu horrible il faut l’avouer. Les hanches se font plus grosses, les garçons ne regardent plus les yeux mais les seins, les boutons apparaissent alors qu’on veut être parfaite, et même si on a 500 vêtements dans l’armoire, on ne sait jamais quoi mettre. Elle reste immobile sur son petit lit dans sa petite chambre. L’appartement se trouve dans la rue des plaisirs. Elle déteste vivre ici, elle ne comprend pas pourquoi sa mère aime tellement ça. Diriger des filles, lécher les bottes d’un salaud de 40 ans qui aime la frapper quand il en a envie. Elle n’a que 12 ans, mais déjà là elle se rend compte de tout ce qui se passe dans sa vie. Elle sait que sa mère travaille dans un bordel, que son patron est du genre à ne pas être ami avec la police. Honnêtement, elle a peur de tout ça, peur de vivre ici, peur de ce qui peut arriver en tout temps. Ce n’est pas un monde pour une enfant, ça ne l’a jamais été. Au lieu de jouer avec des barbies, elle ramasse les seringues usagées de sa mère et ses amies afin de ne pas se piquer. Dès l’âge de 8 ans, elle apprend à cuisiner pour survivre, à jouer seule, à s’occuper, à ne compter sur personne. Elle connait son père, à chacun de ses anniversaires ou de ses noëls, il lui offre un cadeau. Mais il lui dit qu’il ne peut pas s’occuper d’elle parce qu’ils ne s’aiment pas avec sa mère et qu’une enfant doit rester avec sa maman. Elle sait qu’il ment. Au fond, elle le déteste, et même si elle ne le voit que quelques fois par an, même si elle sait que sa mère l’aime désespérément et qu’elle ait une épave à cause de tout ça, même si elle lui en veut en un sens d’être responsable de ses malheurs, elle tient à lui parce qu’il est la seule chose de stable dans sa vie. Elle n’écoute pas vraiment, elle est chiante. Sa mère dort la journée et s’occupe la nuit de ses petites affaires. Elles ne se croisent quasiment jamais. Elles n’ont pas vraiment de lien, et elles passent la plus part de leur temps à s’engueuler. Elle veut un animal de compagnie, Lola refuse parce qu’elle l’appelle par son prénom et plus Maman depuis quelques temps, Juliet hurle et trépigne, pour l’emmerder, elle ramasse un bâtard dans la rue, bâtard qui devient rapidement comme un meilleur ami durant un an. Jusqu’à ce fameux jour où trop défoncée, sa mère le fout dehors après lui avoir donné plusieurs coups. Il se fait écraser quelques temps après. Juliet ne lui pardonne pas, elle ne lui pardonnera jamais. Elle déteste cette donneuse de vie et de leçon autant qu’elle peut l’aimer, elle déteste devoir aider dans le Push durant les Week-End à faire la serveuse regardée de travers par les pervers. Mais elle n’a pas vraiment de choix, sa mère ne lui en a laissé aucun et même si son Père désapprouve tout ça, il ne peut rien pour elle, il ne peut rien faire sans briser sa propre famille. Il est incapable de faire ça, même pour sauver sa fille, du moins, il le croit.
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« YOU HAVE TO BE HERE ! » « I WON’T ! » « You have no choice Juliet ! And you will obey ! » La porte claque, les murs tremblent, elle crie dans un cousin et la traite de tous les noms. Elle ne veut pas travailler ce soir, c’est l’anniversaire de Noelia, c’est la pyjama party du siècle, c’est le moment qu’elle attend pour pouvoir enfin essayer d’embrasser Tim Denver. Elle peut pas lui faire ça, pas maintenant, c’est injuste. Elle s’en fout de bosser, elle est même pas payé et les vieux pervers veulent toujours lui toucher les fesses. Elle n’a que 14 ans, elle n’est pas faite pour traîner dans une boîte de strip-tease. Mais sa mère ne l’entend pas de cette oreille. Elle la déteste. Elle la déteste tellement en ce moment. Est-ce à cause de l’adolescence ? Ou est-ce juste le fait que quoi qu’il arrive, elles n’arriveront probablement jamais s’entendre ? Juliet soupire, elle ne sait pas quoi faire. Elle regarde ses vêtements et son sac. Et si elle passait un peu juste pour dire coucou. Elle n’a pas peur de sa mère, elle a peur du boss, un retard vaut mieux que de ne pas venir du tout… Décidée, elle prend son sac et enfile chaussures et manteau. Elle a besoin de penser à autre chose. Elle ne veut plus vivre dans ce monde. Mais elle n’a pas vraiment de choix. Elle sort par sa fenêtre et descend par l’escalier de secours sans un bruit. Elle sait faire le mur depuis un an déjà. On en apprend des drôles de choses à force de fréquenter les mauvaises personnes. Elle arrive à pieds et en courant chez sa meilleure amie qui lui saute dans les bras avant de l’engueuler pour son retard, et puis finalement elle comprend que Lola a dû encore faire des siennes. Juliet fait passer sa mère pour un tyran trop strict n’aimant pas que sa fille sorte ou ait une vie sociale. C’était toujours mieux que de dire qu’elle était une pute, dirigeant des putains tout en étant la salope préférée de son patron mafieux…. C’est plus simple, c’est mieux. Tim est là, elle le dévore du regard, il pose à peine le sien sûr elle. Elle se demande si c’était si bien que ça de venir ici. Elle se sent mal, elle pense à la correction qui l’attend quand elle rentrera au Push. Elle a déjà mal d’avance. Finalement, elle s’en va, sa meilleure amie râle et lui dit que c’est pas normal. Elle s’excuse pas. Pourquoi faire après tout ? Elle s’en va et marche lentement, tête basse, yeux rivés sur le sol. Elle envoie un sms à son père mais elle n’obtient pas de réponse, ses yeux se remplissent de larmes qu’elle refuse de laisser couler. Elle arrive dans la rue du Push et se rend compte que tout est cernée par les policiers, les pompiers… Effrayée, elle court et se fait arrêter par un vieux flic, elle le frappe et arrive passer alors qu’il lui gueule dessus. Elle ne comprend rien mais voit le sang par endroit. Et puis soudain, un brancard passe devant elle alors qu’un policier lui attrape la main. Elle reconnait à un doigt la bague fétiche de sa mère, son bras pend dans le vide alors que du sang séché marque sa peau. Elle hurle et se tient au policier qui la retient.
« MOOOOOOOOOOOOOOOM !! NOOO !! NO ! That’s my Mom !! PLEASE ! NO ! Let me go… let me… Moooooooooooooom…. Mom…. » Elle pleure la petite fille. Elle a des jambes en coton, elle s’évanouit. Lorsqu’elle se réveille, son père est là, il lui tient la main, elle le repousse, il la force en l’enlaçant, elle pleure contre lui. Il a beau être là, elle se sent terriblement orpheline maintenant. Il lui dit des choses mais elle n’écoute pas vraiment. La semaine d’après, c’est l’enterrement. Tout est sobre, il ne se passe pas grand-chose. Elle a été incinérée. Il ne reste qu’une boîte. On verse les cendres dans un jardin… un jardin des souvenirs comme ils disent. Elle s’en fout. Tout ce qu’elle retient c’est que sa mère a été tuée dans une fusillade à cause de son boulot, de son boss… Elle n’aimait déjà pas vraiment le monde dans lequel elle vivait, maintenant elle le déteste.
Il regarde sa femme et sa fille en tenant Juliet à ses côtés. Il n’a rien dit, il pense que ce sera plus facile de mettre tout le monde devant le fait accompli. Juju se sent mal d’être là, de les regarder de ce faire dévisager.
« Juliet is… my… daughter. Her mom died few days ago, and I just can’t let her down like she’s nothing for me. I’m so sorry, she was a mistake but I have to assume it and it begins by giving her a real family. » C’était tellement agréable de ce faire traiter d’erreur… Elle ne dit rien, voyant les foudres qui s’abattaient sur elle… C’était pour ça qu’il n’avait jamais voulu de lui en fait. Il avait déjà une famille. Jack Bishop était déjà papa, déjà marié, déjà trop de chose. Avait-il aimé ne serait qu’un petit peur Lola ? Ou absolument pas ?
« Excuse me ? Are you kidding me ? You have another daughter and you say it just like that ? Just like it doesn’t matter ? How dare you ? » Il la regarde, il comprend sa colère mais il n’aime pas le ton qu’elle emprunte, il la somme de partir dans sa chambre. Elle est furieuse. Jules la regarde à peine, elles se détestent depuis longtemps. Elles n’ont jamais su s’apprécier à l’école, et les voilà demi-sœurs d’un coup. La vie la détestait vraiment… Monde cruel qui ne rimait à rien. Elle pense sincèrement que son arrivée va faire sombre la famille, les faire divorcer. Mais non. Le couple tient bon. Elle ne comprend pas pourquoi. Se détester en faisant croire aux autres qu’on s’apprécie c’est con ! C’est inutile, c’est bête. Elle n’aime pas sa nouvelle famille et elle ne peut s’empêcher de penser qu’elle aurait dû mourir aussi ce soir-là. Elle aurait dû travailler. Il y a eu huit morts et 6 blessés. Pourquoi est-elle encore là et en vie dans une famille ne voulant pas d’elle ? Elle s’enferme dans la salle de bain, un couteau en main, elle veut en finir, elle doit en finir. Le monde sera mieux sans elle, cette famille sera mieux sans elle. Elle pose la lame sur la chair tendre de son poignet, elle appuie un léger et minuscule filet de sang arrive. Elle grimace, elle gémit déjà. Elle est aussi lâche que Jack. Elle fixe le miroir face à elle. L’espace d’un instant, elle a l’impression de voir sa mère. Elle lâche le couteau, effrayée, elle se recule et finit par tomber sur le tapis. Elle pleure la petite fille, elle croise ses bras, elle se recroqueville sur elle-même. Elle se déteste. Elle les hait tous… Elle s’endort sur le tapis jusqu’à ce que son père ne la trouve et l’emmène au grenier, là où il a rapidement aménagé une chambre pour elle. Comment croire qu’un jour elle vivrait sous son toit à vrai dire ? Il remercie sa femme chaque jour de rester avec lui. En réalité, elle ne le supporte plus, elle le trouve dégoûtant, mais en bonne chrétienne, elle se doit de pardonner et d’accueillir cette enfant sans famille. Mais jamais elle n’aura ne serait-ce qu’un regard gentil pour elle. Et Juliet lui rend bien ce mépris. Les deux nouvelles sœurs se haïssent aussi. Les pics fusent, les insultes aussi et ne parlons pas des bagarres. Jack doit constamment les calmer et s’interposer pour que les choses rentrent dans l’ordre. La plus âgée reproche à la cadette d’exister et d’avoir foutu sa vie en l’air comme sa famille, la plus jeune lui en veut sans raison précise, le rejet fait juste mal. Chez les Bishop, c’est un gros bordel, surtout lorsqu’il adopte officiellement Juliet en la reconnaissant après tout ce temps.
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Les soirées, la folie, l’enivrement, les hommes, le sexe. Comme c’est beau d’avoir 18 ans, comme c’est beau d’être majeure, de n’avoir rien à demander à personne. Elle travaille les week-ends et certains soirs comme serveuse par-ci par-là afin de n’avoir rien à quémander à son paternel, ça fait une chose en moins que sa « sœur » ne peut pas lui reprocher. Elle a quitté la maison pour se mettre en colocation dans la résidence universitaire ! Elle s’y plait vraiment, elle a un chez elle, ce qu’elle n’avait jamais vraiment eu avant. Elle pense souvent à sa mère, elle en cauchemarde encore. Elle la déteste d’être morte si tôt mais elle lui manque juste atrocement. Elle n’a pas sa place dans cett famille de faux bourgeois coincés et chiants, trop croyants, trop cons. Elle déteste sa belle-mère parce que pour elle, c’est juste une menteuse incapable d’assumer ses sentiments en se réfugiant dans la religion et dans cette bible à la con qui n’autorise pas vraiment le divorce. Elle hait cette fausse grande-sœur qui passe son temps à lui rappeler qu’elle n’est qu’une bâtarde, qu’une pièce rapportée. Mais honnêtement, Jules ne fait rien pour que ça aille bien. Elle n’arrive à être agréable qu’avec son paternel, et encore c’est plutôt rare. Elle danse, elle rit, elle saute, elle bouge dans l’appartement ! Une fête est organisée par les voisins, certains sont dans les jardins, le barbecue fait griller les saucisses pendant que d’autres sont remplis de bières à force de picoler. Elle s’amuse avec ses amis, elle passe du bon temps, mais soudainement ses jambes sont comme du coton, elle s’accroche alors à Alec, il la regarde surpris et la retient. Elle ouvre grand la bouche pour happer l’air, mais ses côtes se resserrent, son diaphragme devient tellement mou que respirer devient impossible. Elle suffoque, elle tremble, elle a peur, elle crève de trouille. Elle se sent molle, si molle. C’est déjà arrivé quelques fois, mais pas aussi fort, pas aussi dur… Elle tombe inconsciente, elle ressemble à une poupée de chiffon dans les bras d’un géant. Ses amies préviennent les pompiers. Ils arrivent rapidement mettant la fête en suspens. La reine est tombée. Ils l’emmènent à l’hôpital accompagné de deux amis. Elle est mise sous oxygène, on ne comprend pas son état. Elle se réveille 4h plus tard, son père est là. Le médecin demande à la voir seule. Au début, elle ne veut pas parler. Ce n’était pas la drogue, elle n’en prend pas, l’alcool, oui elle en boit mais rien d’anormal pour une jeune, elle n’est pas alcoolique. Elle finit par lui dire que c’est déjà arrivé, que c’est souvent la même chose mais que cette fois-ci, elle n’arrivait plus respirer. Il écoute, il écrit, il hoche la tête, il l’énerve, il s’en va. Son père reste avec elle, et puis on l’emmène passer quelques examens, on ne lui dit rien. La reine déchue s’impatiente. Elle les insulte par moment. C’est tellement facile. Finalement, on ne lui dit rien de la journée, elle attend désespérément qu’on s’intéresse vraiment à elle. Et puis un jeune médecin en belle blouse blanche entre dans sa chambre le lendemain, son dossier en main.
« You have a disease. We call it Myasthenia. It’s something strange and rare. » Sous le choc. Elle le fixe, elle ne comprend pas ce qu’il lui dit, de quoi parle-t-il ? Il a dû se tromper de patiente, c’est forcé. Ca ne peut pas être elle.
« Myas…the… what ? » Il se pose alors et calmement, il lui raconte. Ses muscles sont trop faibles comparés à des muscles normaux. Depuis petite, elle fait souvent des malaises, mais personne n’a jamais pris ça au sérieux, pas même sa mère, depuis quelques mois, elle se sent souvent molle, on la prend pour une paresseuse. Ca va toucher tous ses muscles, c’est pour ça qu’elle n’arrivait plus respirer. Elle aura des crises souvent, c’est comme ça. Elle n’a pas de choix, il n’y a pas de traitement. Les vitamines pourront l’aider, mais c’est tout. Elle ne doit plus faire d’efforts excessifs si elle veut que ça se passe au mieux, elle doit être presque une none. Elle arrache tout ce qui la retient prisonnière ici, elle lui lance un magnifique Fuck-Off ! Elle ne veut pas être malade, elle a que 18 ans ! C’est injuste. C’est pas normal. Elle le déteste de lui avoir dit ça. Elle s’en va encore trop faible, mais elle s’en fout. Elle signe son papier à la con, elle dit à son père d’aller se faire foutre. Et elle part.
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Elle est belle, elle s’amuse, elle rit ! Elle fait tout comme une jeune fille normale, elle se dépense sans compter. Personne ne sait qu’elle souffre. Elle fait gaffe à s’isoler lorsqu’elle sent une crise venir, elle s’est déjà évanouie sans sa chambre ou la salle de bain durant plusieurs heures sans que personne s’en sache rien. Elle a été viré d’un de ses boulots parce qu’elle faisait tomber trop souvent son plateau. Elle est devenue maladroite aux yeux de tout le monde. Si seulement il comprenait que lentement ses muscles s’épuisent. Elle a peur de ce que ça donnera plus tard. Elle a peur de tout ce qui pourrait arriver, mais elle ne dit rien, elle garde la tête haute. The show must go on comme on dit n’est-ce pas ? Alors elle avance comme elle peut malgré les douleurs, la fatigue, les suffocations. Décidément, sa mère ne lui aura laissé rien de bien, rien de bon dans sa vie à part un beau minois. Un peu avant ses 19 ans, elle reçut un colis avec un portable dernier cri et une magnifique robe à sa taille, avec juste un mot dedans lui demandant de la rejoindre dans un parc, vêtue ainsi pour être reconnue. Elle a longuement hésité. Mais finalement, elle y va sans prévenir personne. Si elle meurt tant pis, elle s’en fout. Il fait chaud ce soir la nuit est torride, elle est sexy dans sa robe. Un jeune homme arrive vers elle. Enfin jeune, il a la trentaine au moins c’est sûr. Elle aime son air ténébreux et ses beaux yeux. Elle voit ses tatouages, elle craque. Pourtant, il lui rappelle quelque chose, quelqu’un… Mais elle ne se souvient pas de qui. Il l’emmène en voiture, elle se laisse faire, elle est subjuguée. Cependant, lorsqu’elle reconnaît l’enseigne du Push Baby Push, elle ne peut plus fuir. Terrorisée, elle reste digne malgré tout et sert son nouveau téléphone dans sa main. Il l’a fait sortir de la voiture, elle tremble. De froid, de peur, d’incertitude. Elle le suit jusqu’au sous-sol. Les « bureaux ». Petite, elle n’avait jamais eu le droit d’aller en bas. Elle s’inquiète lorsqu’il la fait entre dans un bureau très luxueux. Le boss est là, il sourit, il vient l’enlacer, elle ne bouge pas. « Sit down. » Elle obéit comme une enfant, personne ne la reconnaîtrait. Elle se souvient de lui, des coups qu’il a pu donner à sa mère. Elle se souvient de tout.
« I’m not gonna turn around, you’re my new girl, my new treasure and I’ll be a great great man for you. » Elle ne comprend pas, elle le fixe, perdue. Il lui tend alors un contrat signé par sa mère il y’a déjà longtemps. Elle l’a vendu à ce salaud, vraiment ? Elle serre le papier les larmes aux yeux.
« From now, you’re a Babydoll. » Son cœur loupe un battement, c’est ainsi qu’on surnomme les putes ici. Elle n’a pas le choix, elle sait de quoi ils sont capables ici. Il lui tend un stylo afin qu’elle signe à son tour. Une larme s’écrase sur le papier, elle essuie rapidement ses yeux et signe. Elle vient de vendre son âme au diable. Elle déteste sa mère, c’est sûr maintenant. Elle s’était promise de ne jamais devenir comme elle, elle n’a plus de choix. Le premier test arrive le soir-même ou elle doit s’offrir au boss afin de savoir ce qu’elle valait dans un lit. Coucher avec ce vieux machin lui coûte. Elle vomit après, elle pleure, elle tremble, elle est une pute, elle n’est plus rien. Depuis trois ans, sa vie oscille entre de brillantes études, un travail rabaissant et la tuant à petit feu, et une mésentente familiale proche de la destruction qui lui donne juste envie de tous les tuer. Elle déteste sa vie, elle déteste ce qu’elle est devenue. Elle est une peste droite et fière qui ne montre pas à quel point elle est faible entre sa maladie et son job extra… Elle survit jusqu’au jour où elle aura le courage de dire stop à tout ça d’une façon ou d’une autre.