”I've fallen for your eyes, but they don't know me yet ...”

Ce matin, je m'étais réveillé avec un goût amer en bouche. Ma nuit avait été mouvementée et j'avais à peine pu dormir plus d'un heure sans me réveiller en sursaut mit à part vers la fin du cycle de mon sommeil. J'en avais marre d'avoir mal mais surtout, marre de rester cloué au lit sans pouvoir véritablement me promener. Je voulais sortir de cette chambre quand bon me semblait, mais parfois je peinais car le traitement était trop dur pour mon système et mes jambes refusaient d'obéir à ma volonté. C'était vraiment exaspérant à la fin. Heureusement que j'avais un bon voisin de lit. Elias était devenu un ami, presque un petit frère de coeur pour moi. C'est d'ailleurs grâce à lui que j'avais pu obtenir un rendez-vous avec la kinésiologue de l'hôpital. Une certaine Savanah Sanberry ou ...Stanburry. Il parait qu'elle était bonne et douce avec ses patients. Du moins, je l'espérais grandement puisque j'en avais plus que jamais besoin! Le simple fait de m'asseoir au bord de mon lit était pénible et forçant pour mes membres endoloris et surtout après un traitement.

Le déjeuné ne tardai pas à arriver et je dus prendre place au bord du lit, refusant catégoriquement de manger le dos appuyé contre celui-ci. C'était douloureux, mais je le voulais. Il le fallait! mais à la vue de ces oeufs au teint plus malade que le mien, mon estomac se mit à faire des siennes et je dus rapidement recouvrir mon plat pour ne pas régurgiter mon dégoût. L'appétit n'y était pas non plus, il faut dire. Seulement, je savais qu'il fallait que je mange un peu pour retrouver mes forces. C'est donc avec lenteur que je commençai à manger mes rôties au beurre même si le goût du pain ne me plaisait pas en bouche. Ça semblait être du réchauffé. Le milieu de la mie était légèrement humide et sur la langue, c'était carrément douteux. Une fois que l'infirmière qui était venue porter mon plat fut partie, je plissai d'une moue répugné mon nez en mâchant difficilement ma bouchée avant de l'avaler en frissonnant légèrement. Pour moi même, je dis par la suite «Bordel, ils veulent vraiment qu'on crève ou quoi ...?» avant de saisir ma tasse de café et d'en boire une petite gorgée. Ça non plus, ce n'était pas du luxe, mais au moins ça enlevait un peu le goût de cette rôtie infecte dans ma bouche.

J'avais enfin terminé mon repas en laissant le 3/4 de celui-ci dans mon assiette, quand l'infirmière revint et fit une moue en constatant que le plat était encore presque plein. Soupirant, elle mit ses mains sur ses hanches et dit d'une voix que seule une femme de soixante ans ayant eu quinze enfants à sa charge aurait prit «Mon garçon, tu ne retrouveras pas la santé si tu manges aussi peu!» ce à quoi je ne pus m'empêcher de rigoler un peu en hochant de la tête et en disant «La prochaine fois, si vous voulez que je mange ...commandez-moi un mcmuffin saucisse et ça ira!» c'était pas de la grande gastronomie, mais c'était tout de même mieux que cette merde, à mon avis! Je l'avais dit à la blague, bien sur, mais celle-ci ne semblai pas le prendre et reprit mon cabaret rapidement en laissant s'échapper un «Mmh!» de semi-protestation avant de quitter une deuxième fois ma chambre. J'étais de nouveau seul. Soupirant à mon tour, je me mis à me frotter les tempes lentement car un mal de tête commençait peu à peu à faire son apparition. Je n'avais peut-être pas assez bu, tout compte fait. Ne voulant rien avaler d'autre, j'avais laissé mon jus de pomme dans mon cabaret. Chose que je regrettais, maintenant. Pinçant mes lèvres, j’entamai le mouvement pour me coucher quand la porte se rouvrit une troisième fois mais cette fois ci, ce fut une jolie dame brune qui pénétrai dans ma chambre. C'était Savanah, la kinésiologue d'Elias qui venait pour mon rendez-vous! Clignant des yeux, je me remis donc assis tout en tentant de ne pas trop grimacer de douleur et me mit à sourire quelque peu en lui tendant une main légèrement tremblante vers elle «Salut, on s'est déjà vu une fois je crois ...Enchanté!» je ne voyais pas le besoin de dire mon nom puisque de un, elle m'avait déjà croisée et de deux, il était écrit sur sa feuille de consultation.

Cependant, pour tout dire, j'étais assez intimidé par elle. Non pas pour sa grandeur, car elle était plus petite qu'un nain de jardin mais parce que j'étais toujours ainsi, lors des premières rencontres. Je pouvais être barman, ancien étudiant en théâtre, oui! mais cela ne m'empêchait pas d'être timide pour autant! Surtout avec les filles comme elle. Je m'en voulais aussi d'être dans un tel état, aujourd'hui. J'étais pas au meilleur de ma forme, disons! J'espérais vivement que tout se passe bien au courant de la séance et que je ne l'exaspère pas trop! Au moins, Elias ne serait pas là pour se moquer de moi, c'était déjà ça ...

”I've fallen for your eyes, but they don't know me yet ...”

Je n'avais presque rien mangé dans mon plat à déjeuné. Il fallait dire que non seulement c'était dégoutant, mais aussi que mon appétit n'était pas très grand ces temps-ci. Au contraire, parfois je me forçais légèrement pour avoir au moins quelque chose dans le corps à vomir, autre que ma bile et de l'eau. Ma bouche étant sèche en permanence et ma gorge trop souvent douloureuse, manger quelque chose ne m'intéressait pas le moins du monde. Heureusement que j'avais droit à ces fameuses glaces une fois de temps en temps pour apaiser ma gorge! En plus, c'était une des seules choses qu'ils donnaient au repas, qui étaient mangeable. C'est sur, ce n'était pas eux qui la faisait!

Je m'étais néanmoins habitué à ça, avec le temps. Il faut dire que je n'avais pas vraiment le choix, maintenant. J'étais cloué la plupart de mon temps dans ce lit, et quand je me sentais mieux, je me débrouillais pour pouvoir prendre congé et sortir travailler. Ce n'était pas une vie, certes, mais c'était la mienne. Je ne pouvais la changer sinon d'essayer de sourire malgré tout, malgré ces douleurs, ces espoirs en vains et ces visages d'enterrement à chaque fois que je disais Ouais, j'ai la leucémie.
à celles que je croisais qui, au tout début étaient attirées vers moi mais qu'ensuite me laissaient là aussitôt qu'elles apprenaient la nouvelle. C'était typique et presque routinier pour moi, maintenant. Je ne me faisais plu de fausse idée, depuis. Bien sur, je rêvais d'avoir une petite copine pour pouvoir la coller en tout temps, aimer jusqu'à mon dernier souffle ...mais je devais voir la vérité en face, aussi. Qui voudrait réellement d'un mec au seuil de la mort, comme moi? C'était perturbant de penser ainsi, mais c'était aussi la façon la plus logique de voir les choses. Je n'étais pas comme les autres, malheureusement. J'étais différent ...au sens négatif du terme.

J'étais entrain de me coucher dans mon lit lorsque je vis une très jolie damoiselle entrer. C'était la ravissante Savanah. J'avais un rendez-vous avec elle en kinésithérapie, ce matin. Elle était à l'heure, dit donc! Souriant, je hochai de la tête lorsqu'elle se présentai. Effectivement, je l'avais souvent vu avec Elias. C'est d'ailleurs grâce à lui que j'obtiendrai ses services, dans quelques minutes! Poliment, je lui répondis à ses questions tout en mentionnant que j'avais des douleurs un peu partout mais surtout aux extrémités de mes pieds et de mes mains. Ma circulation était mauvaise à ces endroits et parfois même, ils étaient gelés et je devais m'enrouler les pieds sans une couverte supplémentaire et croiser mes bras contre mon torse afin de réchauffer mes mains qui semblaient vouloir se briser comme de la glace.

Lorsqu'elle me demandai si j'avais mal au niveau des jambes en ce moment, et si je pensais pouvoir marcher, je me mordis légèrement la lèvre inférieur en réfléchissant quelques secondes tout en me rappeler comment j'avais eu du mal à m'asseoir ce matin, mais hochai de la tête en disant «Oui ...oui, je crois pouvoir marcher.» et sans qu'elle me le demande, je sorti mes jambes lentement de sous la couverture, non sans tenter de cacher une moue de douleur sur mon visage en regardant ailleurs. Ce mouvement m'avait fait si mal que j'en ressenti un grand frisson monter le long de ma colonne vertébrale et se fondre dans ma nuque. J'en perdis le souffle quelques secondes avant de reprendre ma respiration normalement après un long soupire de soulagement. Mes jambes étaient enfin sorties du lit et pendaient mollement au dessus du sol. J'étais assis à 90 degrés et me tenait d'une main à la ridelle et l'autre agrippait fermement le drap de mon lit. Ma tête se mit à tourner légèrement du à l'effort et je dû m'efforcer pour ne pas fermer les yeux et rester stable car je sentais mon corps chanceler dangereusement vers le sol. Poussant un rire nerveux, je hochai de la tête en disant «J'ai peut-être bougé un peu trop vite ...» puis, voulant me ressaisir, je lâchai la main qui tenait mon drap pour me frotter les yeux, lentement. Comme un gamin l'aurait fait. J'avais un peu honte d'être dans un si mauvais état devant Savanah. Elle était belle comme une princesse de conte de fée, et moi ...laid comme la bête, disons le ainsi. Après m'avoir frotté les yeux comme il faut, je clignai des paupières en faisant battre mes cils rapidement pour me ressaisir d'avantage et reprit mon sourire en relevant mon regard vers elle et en demandant «Voulez-vous que je me lève maintenant?»
Je n'étais pas réellement prêt à cela, mais je ferais tout pour ne pas l'embêter d'avantage et acquiescerais à tout ce qu'elle me demanderait.

”I've fallen for your eyes, but they don't know me yet ...”

Je voulais à tout prix jouer au dur devant Savanah. Elle était jolie, douce et gentille ...alors j'avais envie de l'impressionner un peu! Je devais me ressaisir et me dire que mes douleurs n'étaient pas si intense, mais quand je pris mon courage à deux mains pour me mettre sur mes pieds, j'en grimaçai légèrement. Bon sang que j'avais eu mal! Légèrement à bout de souffle, je regardai le sol un moment afin de me ressaisir et hochai de la tête en prenant son bras lorsqu'elle me dit que nous allions faire le tour du lit à mon rythme. Je sentais mes jambes trembler, et bien que j'aurais voulu parler à cet instant, j'en étais incapable. Il fallait que je garde ma concentration sur les pieds, sur mes jambes. De plus, je n'avais pas envie de lui tomber dessus et ainsi, l'écraser en lui faisant mal! J'étais tout de même plus lourd qu'elle, même si j'avais maigri par la maladie!

Je fis donc un premier pas, lentement en me tenant d'un main au lit et de l'autre à Savanah. Mes dents s'étaient automatiquement serrés et je hochai de nouveau de la tête en disant «J ...je ...ça va ...» mais c'était faux. Mes jambes semblaient si lourdes ...faites de ciments. Ma colonne aussi me brûlait en me suppliant de retourner m'allonger ...mais j'étais têtu. Je voulais l'impressionner à tout prix! Alors refis un autre pas ...et un autre ...jusqu'à arriver au bout de mon lit en me tenant par celui-ci. C'était trop. J'en avais des sueurs froides dans le dos, tant j'avais mal. Honteux, je soupirai en disant faiblement «Désolé ...J'ai trop mal ...Mes jambes ...» puis baissai la tête un moment afin de récupérer, les yeux fermés. J'avais si honte de m'être arrêté en si bon chemin! mais je n'en pouvais plu. On aurait dit que j'avais de la lave, à la place de mes articulations. Cet exercice était sans doute précoce, pour moi, malheureusement. Je regagnai donc mon lit lentement à l'aide de Savanah et m'y étendis de tout mon long en reprenant mon souffle et en regardant le plafond tout en me disant que c'était terminé. Je n'allais jamais pouvoir la séduire ainsi!

J'eus cependant un sourire à son obligation. Il est vrai que j'étais pâle comme un linge, mais j'étais leucémique, aussi! Je ne pouvais pas avoir un teint de pêche comme tous le monde! Retournant mon regard vers elle, je lui dis d'une voix faible «C'est nul se promener seul, vous savez ...» en disant cela, je sous entendais clairement vouloir avoir de la compagnie, et j'espérais bien qu'elle allait comprendre que je désirais y aller avec elle. N'empêche, j'étais tout de même réaliste. Ce pourquoi je renchéri presque instantanément en disant «mais ...je vais y aller. Promis ...» puis pinçai mes lèvres, mal à l'aise avant de murmurer «Merci ...» Grâce à elle, j'allais pouvoir aller dehors un peu et profiter de l'air frais pour me ressourcer. J'en avais besoin, n'empêche. Respirer de l'air frais était primordial. Malade ou pas. Le soleil me manquait énormément aussi, il faut croire. J'avais hâte de pouvoir sentir ma peau devenir chaude grâce aux simples rayons de cette magnifique boule de feu.

Lorsqu'elle me mit cette crème, je fis légèrement le saut et ce, même si elle m'avait prévenue d'avance. C'était froid, en effet! mais ça faisait du bien. Même si par moment elle passait sur des endroits qui me faisait un peu plus mal, je ne disais rien. En fait, j'étais un peu perdu dans mes pensées. Elias m'avait souvent parlé d'elle, me disant qu'elle sortait plus ou moins avec un connard de première qui lui faisait plus mal qu'autre chose. Je ne comprenais pas pourquoi elle restait avec lui. Fronçant les sourcils, je croisai mes mains contre mon ventre en demandant d'une voix intriguée «...Avez-vous un petit copain?» bien sur, je jouais l'innocent. Je voulais avoir sa confirmation avant tout. À savoir comment elle prenait réellement sa relation avec lui. Si c'était du sérieux ou non, pour elle. N'empêche, Savanah m'intéressait énormément. Elle me plaisait beaucoup et malgré le fait que je sois malade et que je me doutais bien qu'elle ne veuille pas de moi pour cette cause, je ne pouvais m'empêcher de me faire des idées à ce sujet.

Elle me massait maintenant les mains et timidement, je tournai mon regard vers elle afin de la regarder droit dans les yeux et de lui sourire doucement. Je pouvais enfin détailler son visage ...Remarquer chacun de ses traits et les mémoriser à mon esprit. Elle était belle, certes ...mais elle était bien plus que cela. Savanah était doté non seulement d'une beauté rare, mais aussi d'une personnalité qui la rendait exquise en tout points. Sans vouloir la rendre mal à l'aise, je lui dis d'une voix qui se voulait rassurante «Cet homme est chanceux de vous avoir à ses côtés ...» et je le croyais vraiment. Même que j'en étais jaloux. Il ne la méritait pas, c'était évident ...mais que me faisait croire que je la méritais d'avantage? Rien.

”I've fallen for your eyes, but they don't know me yet ...”

Les paroles encourageantes de Sav ne m'avaient guère aidés, hélas. Je me sentais honteux et humilié d'avoir du cesser un exercice qui de base aurait été facile. C'était de la marche, bon sang! Pas de la course à pieds! J'avais réellement hâte de pouvoir me lever par moi-même afin d'aller aux toilettes. Pour cela, je devais attendre une aide-soignante ou en sonner une pour qu'elle vienne et m'y accompagne. Bien sur, elle ne rentrait pas ...mais vous imaginez!? C'était complètement insultant, pour un jeune homme de vingt-cinq ans comme moi. En plus, elles étaient majoritairement des jeunes femmes ...mignonnes en plus. C'était totalement désespérant. Cependant, je lui sourie légèrement pour ne pas qu'elle prenne mon manque d’enthousiasme comme une insulte et lui dit «Vous avez raison ...Même si parfois c'est difficile de garder confiance ...» et je la regardai droit dans les yeux, toujours avec mon petit sourire faible au coin des lèvres avant de regarder mes doigts, intimidé par la situation.

Bien sur, c'est moi qui l'avait voulu. La façon dont elle donnait les soins à Elias me donnait envie qu'elle me fasse la même chose. Après ses visites, il se sentait toujours un peu mieux. Si elle pouvait alléger un peu mes souffrances, alors là ce serait parfait. Lorsqu'elle me parlai d'une accompagnatrice les premiers temps où j'aurai ma chaise roulante, je la remerciai poliment en lui souriant, même si intérieurement et secrètement j'aurais que ce soit elle qui me fasse les promenades. J'aimais bien sa présence, à vrai dire. De plus, il faut l'avouer, elle était assez mignonne! Même très mignonne! Ses grands yeux m'avaient séduit du premier coup. Son charisme naturel aussi!

J'avais envie d'en apprendre d'avantage sur elle. Bien sur, Elias m'en avait beaucoup parlé ...mais je voulais entendre ses choses venant de sa propre bouche. À ma question, elle parut en premier lieu, déstabilisée, mais ensuite je sentis qu'elle était mal à l'aise et tentait de le cacher en avouant qu'elle sortait avec un homme. Évidemment, le malaise ne venait pas de ce mec mais de ma question. Cela paraissait énormément! Elle devait être entrain de se dire que j'avais un faible pour elle! Ce qui n'était pas faux du tout ...mais je n'avais pas envie que cela l'éloigne de mon cas! Sentant le rouge monter jusqu'à mes joues, je mordis ma lèvre inférieur au moment où elle se mit à masser un peu plus fort. Je la comprenais que dans l'élan du moment, elle en oublie sa force physique ...mais là elle me faisait mal! Respirant un bon coup, je réussi à dire faiblement «Stanburry vous ...» et pointai l'endroit où elle me massait en murmurant «C'est douloureux ...svp ...» d'une voix presque suppliante. Je voulais qu'elle masse avec un peu plus de douceur, comme avant ...J'étais sensible, après tout! Pinçant mes lèvres après coup, j'osai la regarder droit dans les yeux en lui avouant qu'il avait de la chance de l'avoir à ses côtés. Seulement, celle-ci le prit mal, encore une fois et me demandai si il était possible de changer de sujet. Décidément, j'étais partie sur une mauvaise base, avec elle! De nouveau honteux, je regardai ailleurs un instant en laissant tomber lentement ma tête sur mon oreiller tout en fermant mes yeux. Réfléchir. Je devais réfléchir à quoi dire pour ne pas la faire fuir pour de bon. Après un long moment dans un silence absolu, je soupirai et lui dit «Pardonnez-moi ..Je suis parfois indiscret.» et je haussai une épaule en disant, le regard perdu vers la fenêtre «J'ai l'impression de devoir me dépêcher à tout savoir sur les gens que je croise ...au cas ou ...» et je me tus en clignant des yeux pour ensuite passer deux mains sur mon visage afin de retrouver mes esprits. Parler ainsi n'arrangerait rien. Au contraire, ça risquait de tout faire partir en sucette. Désireux de changer le ton de la conversation rapidement, je rigolai nerveusement en demandant «Vous avez vue ce vidéo youtube ou un chat lève ses pattes après chaque chatouilles de son maître?» et je rigolai encore une fois en hochant de la tête «Il est marrant ...» puis, pour ajouter de l'emphase à mes paroles, je me mis à l'imiter quelques secondes en ayant une expression surprise au visage à chaque fois que je levais mes mains dans les airs. Bien sur, si j'agissais en idiot c'était pour détendre l'atmosphère et lui faire penser à autre chose. Peut-être la faire rire, même! Je l'espérais fortement, du moins! J'arrêtai cependant car je recommençai à avoir mal aux bras, et les déposai de chaque côtés de mon corps en souriant toujours, tout en la regardant d'un air à la fois amusé mais épuisé. Cet élan de connerie m'avait fatigué, disons!

”I've fallen for your eyes, but they don't know me yet ...”

J'étais réellement déçu de moi même, de ne pas avoir réussi à faire un tour complet de mon lit. Pourtant, cela avait semblé si simple à faire! C'était décourageant et honteux pour moi de ne pas avoir les capacités de réussir un simple petit exercice de la sorte. Moi qui, avant que la maladie ne m'atteigne, adorais courir, faire du skate et m'amuser à l'extérieur! Quand nous avons l'usage de nos jambes, on ne se rend pas compte de l'importance que celles-ci peuvent avoir dans nos vies. Nous prenons notre corps complet par acquit. Comme si nous allions toujours avoir tous nos membres intactes ...mais le jour où un défaille, ou plusieurs, c'est la galère. Pour ma part, je regrettais ce passé qui n'était loin d'être si plaisant ...mais au moins, lorsque j'avais des coups de blues je pouvais m'enfuir et aller m'apaiser les esprits loin de ce qui me déplaisait. Maintenant, en chaise roulante et parfois même trop faible pour me servir de mes bras afin de rouler à l'extérieur, je suis coincé en ces lieux. Prit entre quatre murs, l'odeur nauséabonde de l'hôpital dans les narines.

Toutefois, pour ne pas créer de malaise, je sourie à ce qu'elle me dit et hoche de la tête en disant faiblement «Oui ...du moins, je l'espère ...» puis je fis un léger saut quand elle commençai à me masser avec de la crème en menthol. Bien sur, ça faisait du bien, mais c'était froid! Ensuite, je lui posai une question qui la fit, semble t-il, se mettre sur ses gardes. Je n'avais aucunement voulu la vexer, et me senti mal lorsqu'elle voulu changer de sujet. Elle était tellement sur la défensive que je m'excusai sur le champs en lui annonçant la raison pour laquelle j'étais si curieux. Je me pressais parfois trop à connaître les gens de mon entourage car la peur de mourir avant le temps me tenaillait toujours l'esprit. Je détestais penser ainsi, mais je n'y pouvais rien. J'étais effrayé par la mort, plus que jamais ...mais ce qu'elle me répondit me fit sourire tristement. Comprenait-elle réellement mes craintes? J'en doutais bien. Oui, j'allais encore vivre un moment ...Du moins, je l'espérais, mais n'empêche. Avec cette maladie, tout pouvait être possible. Parfois, les décès se passaient du jour au lendemain sans qu'on s'y soit vraiment préparé. Afin de rester dans une bonne atmosphère, je ravalai mes paroles d'inquiétudes et hochai de nouveau la tête en disant «Oui, bien sur ...Vous avez raison ...» puis regardai ailleurs afin de changer mes esprits.

Elle continuait de me masser les bras afin de tonifier mes muscles lorsque je lui demandai si elle avait vue un certain vidéo sur youtube. La réponse fut négative et, sans doute trop concentrée sur mes massages, elle n'avait pas vue l'imitation que je venais de lui faire, de celle-ci et me demandai de lui faire. Souriant légèrement, je m'exécutai de nouveau en faisant pareil comme le petit chaton, et rigolai par la suite car je me trouvais trop ridicule. La regardant, je lui sourie en disant «Le chaton est meilleur que moi pour le faire ...Je vous le jure ...» puis je recalai ma tête contre mon oreiller, toujours le sourire aux lèvres. Ce massage me faisait du bien, n'empêche. Il me relaxait. J'en étais même venu à fermer mes yeux pour mieux apprécier celui-ci. Elle massait extrêmement bien, il faut dire. Respirant lentement mais profondément, je senti peu à peu le marchand de sable passé mais je n'avais pas envie de m'endormir immédiatement alors, d'une voix faible et quelque peu endormie je lui demandai «Pourquoi avoir choisie de faire Kinésiologue dans le département de l'oncologie ...?» J'étais curieux de savoir. En fait, cela m'intriguait grandement car pour faire cela ici, elle devait vraiment être très forte d'esprit. Cela ne devait pas toujours être facile, disons! Je rouvris ensuite mes yeux en tournant ma tête vers elle, et la regardai d'un air reposé à souhait en souriant légèrement sur le côté. Peu importe la réponse qu'elle allait me donner, je voulais savoir et découvrir la vérité. Cependant, je me permis d'ajouter «Vous devez être forte ...mais cela ne vous rend pas triste parfois, à votre retour à la maison ...?» Pour ma part, je trouvais le personnels de l'hôpital extrêmement courageux de faire ce travail. Non seulement c'était épuisant physiquement, mais ce l'était aussi moralement! Pour moi, ils étaient tous des supers héros et ce, peu importe qu'ils soient docteurs, kinésiologue, anesthésiste ou aide infirmière. Niveau maladie, ils devaient tous la côtoyer chaque jour et ils devaient avoir beaucoup de forces de caractères pour y parvenir sans péter un câble.