Comment réussir à vous expliquer qui je suis… La vie a été dure, mais je m'accroche, je suis passée par beaucoup de choses, j'ai un passé aussi noir que la nuit, mais j'ai pas perdu pied, même si à un certain moment de ma vie j'ai pu avoir envie de mettre fin à mes jours, parce que c'était la seule façon de m'en sortir, j'ai tenu, j'ai tenu bon, j'ai pas toujours était capable de tenir tête, de rester hors de l'eau, de ne pas couler, de sourire, mais je me bats, j'abandonne pas, jamais.

Bon, on va commencer par le plus mauvais, comme ça on finira sur du positive, c'est les trucs biens de toute façon qu'il faut retenir, surtout quand il y a plus de souffrance en nous que de joies et de bonheurs. Alors, le pire, ça doit être mes tendances dépressives, ça me prend de temps en temps, par période, étant déjà une grande angoissée, mon stress empire, je pleure tout le temps, je fuis le monde, je m'enferme, je ne supporte plus la lumière… bref je me transforme en vampire associable. Avec la dépression reviennent en force les cauchemars qui ne me laissent plus une seule heure de sommeil pour être en paix, d'habitude, même si j'en fais quand même souvent, ils sont moins fréquents, alors que pendant ces moments là je n'arrive plus à y échapper un seul instant. Mais j'aime pas être dans cet état là, j'ai l'impression d'être encore plus inutile que d'habitude, et si jusqu'à maintenant je me suis jamais flinguée c'est bien parce que j'ai envie de vivre, et c'est pas en déprimant que je vais avancer, donc autant de possible j'essaye d'éviter d'aller trop mal.

C'est vrai que je suis une personne parfois plutôt triste, nerveuse, solitaire, renfermée… Mais en même temps ça se comprend avec tout ce qu'il s'est passé. J'ai peur des gens souvent, surtout des hommes, je n'accorde pas ma confiance facilement. J'ai du mal à supporter les contacts physique, et je déteste quand les gens font preuve de violence ou de colère, car je sais que ça peut les amener à me faire du mal. Je préfère fuir ce genre de personne. Mais si je suis triste, j'essaye toujours de me remonter le moral, de retrouver un peu de jovialité, ou au moins d'avoir l'air heureuse. Je suis nerveuse, et ça se voit, petits tics, tremblement des mains, jouer avec mes doigts, remettre mon écharpe en place, tripoter un bouton de ma veste, jouer avec une fermeture éclaire, secouer mes bracelets, croiser et décroiser mes jambes, jouer avec un collier, passer mes mains dans mes cheveux ou remettre trente six fois la même mèche en place… Oui, en effet, je suis nerveuse, je sais que ça se voit, des fois je pense à faire attention, des fois non... Mais j'essaye de canaliser ça, en faisant pleins d'activités par exemple, et en transformant cette nervosité en énergie productrice. Et puis il y a le manque quand même, j'ai été droguée à la cocaïne, j'y ai plus jamais touchée depuis ces années là, mais ça m'arrive toujours des fois d'avoir envie, ou de sentir le manque, d'avoir du mal, et ça ça ne fait qu'augmenter mon stress et ma nervosité. Solitaire et renfermée ? J'ai jamais eu beaucoup d'amour, pas de famille, pas vraiment de véritables amis, 13 ans passé à l'orphelinat, 6 ans passée à être prostituée, 4 ans pour essayer de me reconstruire, malgré ma relation avec mon ex violent… C'est vrai que je suis solitaire, que je fuis les gens, que j'ai du mal à me laisser toucher par quelqu'un parce que dès qu'on m'effleure mon corps se souvient de ce qu'on m'a fait, et mon instinct lutte pour se protéger, qu'on m'a bien assez crié dessus et que la colère me terrifie autant qu'elle m'intimide, et que la violence me révolte. Mais je m'enferme pas, malgré tout, j'essaye de voir du monde, j'entretiens de bons rapports avec mes collègues, je suis agréable et gentille avec les autres, et ne les repousse pas. Et quand on me touche et que je m'y attend pas… Soit j'arrive à me contrôler soit pas… C'est plus dur dans une foule, j'ai du mal avec la foule, j'ai une forte tendance agoraphobe, mais ce n'est pas ma pire phobie.

Mes plus grandes peurs contre lesquelles je ne peux pas lutter ? Il y a la claustrophobie, et oui rester plusieurs jours enfermées dans des coffres de voiture et une cave de bateau ça n'aide pas. J'ai du mal avec les espaces clos et petits, je ne prend jamais l'ascenseur, les cages d'escaliers ne me rassure pas, et si je reste bloquée dans les toilettes attendez-vous à m'entendre hurler. Ensuite, j'ai beau faire celle qui n'a pas froid aux yeux, j'ai toujours eu très peur du noir, et ce depuis toujours, même à l'orphelinat, ça c'est aggravé les années d'après quand j'ai du passé des heures dans le noir. Personne ne le sait, mais je dors avec une veilleuse, je n'ai jamais pu dépasser cette peur. En faite, je croyais qu'il n'y avait que ça, mais il y a autre chose, j'ai très peur de l'abandon, et ça c'est peut-être la pire, abandonnée à la naissance, trahis par mes faux parents adoptifs qui n'ont fait que m'enlever, puis par mon ex copain, j'ai terriblement peur d'être abandonnée, de décevoir, de pas être à la hauteur. C'est pour ça que je fais toujours de mon mieux et que je suis très perfectionniste au point de m'en rendre malade, j'ai aussi à cause de ça et de ma timidité maladive (mais je me soigne, ou du moins j'essaye de faire des efforts pour pas avoir l'air aussi timide que je le suis vraiment) la fâcheuse tendance à m'en vouloir de tout, à penser que je fais tout mal, et à m'excuser tout le temps.

Comment ça je suis angoissée ? Et colérique ? Bon c'est vrai, ça peut m'arriver, j'ai du mal à gérer ma colère, parce que ma colère c'est 23 ans de galère, c'est comme une bête en moi, quelque chose que je peux pas contrôler, qu'est trop grand et trop fort, qui me dépasse (à la Hulk) mais je travaille sur ma colère, et j'ai mon secret pour la gérer, je la cache aux autres de mon mieux, même si j'y arrive pas toujours parfaitement. Et puis pour l'angoisse… J'essaye de canaliser tout ça, c'est une des raisons pour laquelle je fais de l'art, parce quand j'écris, que je dessine, ou que je danse, je transforme ma colère, mes angoisses, mes démons, mes peurs, en énergie, en force créatrice, en quelque chose de meilleur, de plus pure et bon. L'art est une pratique essentiellement pour que je me canalise, c'est la seule chose qui peut me permettre d'atteindre la paix intérieure, le calme, de faire le vide et le silence en moi, et c'est d'une extrême importance pour moi, sinon je n'arriverai pas à tenir. Je suis une sorte d'hyperactive, je suis toujours entrain de faire quelque chose, la nuit je danse au cabaret, le jour je peins mes tableaux, je fais des sculptures avec des objets que je récupère, j'écris des histoires… Toujours une occupation, et je manque jamais d'énergie, c'est qu'il en faut de l'énergie pour se sortir des problèmes, et pour avancer, à croire que je dors jamais. Et puis, je supporte pas de m'ennuyer, si je m'ennuis, je pense, si je pense, je me souviens, et ça mène directement à la déprime, donc je m'occupe perpétuellement pour éviter de penser au passé que je veux laisser derrière moi. Et puis vous avais-je dis que j'étais têtue ? Butée et bornée comme pas possible, je ne démords jamais, et il faut bien ça pour tenir tête.

Je suis une femme forte, j'ai eu des coups durs, j'ai eu à faire à des gens plus forts que moi et qui m'ont fait du mal, j'ai un corps blessé, et mon cœur a souffert tout autant, j'ai du mal encore à me regarder dans le miroir, j'éprouve toujours ce sentiment de honte et de dégout envers moi-même, j'ai encore peur quand je marche seule dans la rue… mais je suis forte, toujours. Je ne me laisse jamais abattre, je ne me laisse pas faire, jamais dominée, ni possédée, je reste libre, je n'appartiens à personne, je suis sauvage, et rebelle, je ne veux pas laisser qui que ce soit me dicter ma vie ou me forcer à quoi que ce soit. Je veux qu'on me respecte et il est hors de question que je laisse de nouveau quelqu'un me refaire ce qu'on m'a fait. C'est d'ailleurs ce coté sauvage qui attire souvent les gens, entre autre chose, c'est vrai que sans le vouloir il m'arrive de captiver ou de fasciner les autres, la femme mystérieuse, qui semble cacher tant de secrets étranges… C'est vrai que je suis très secrète et mystérieuse, surtout sur mon passé, parce que je n'aime pas en parler, je ne me confie jamais, j'ai peur de craquer si jamais j'en parle, et puis je n'aime pas avoir l'air de me plaindre. Mais ces secrets pèsent tout de même, je n'en ai jamais parlé, à part à mon ex qui s'en est servie contre moi, mais bon sinon personne ne connait toute mon histoire, peut-être un jour oserai-je ouvrir vraiment mon cœur à une personne, pour l'instant c'est trop délicat, et je suis encore très fragile, même si en apparence je n'en ai pas autant l'air.

Ah… les apparences sont trompeuses. D'extérieur je suis toujours souriante, je bavarde, je rigole facilement, je suis joviale, j'ai l'air heureuse, je suis ouverte, extravertie… Et peu de gens savent lire à travers ma carapace qui me protège des autres, pour apercevoir ma réelle personnalité. Mais ce n'est parce que j'ai cette façade que je ne suis jamais vraiment heureuse, non, je prend la vie du bon coté, du moins j'essaye, je laisse le passé au passé, je vais de l'avant, je prend ce qui est bon, et laisse le mauvais, je veux rire, aimer, danser, vivre… Et puis je suis quelqu'un de très gentille, bienveillante, et toujours ouverte. Je veux vivre, plus que tout, toucher à ce bonheur dont j'ai toujours rêvé, depuis ce petit lit dans le grand dortoir pleins de cris et de rires d'enfants, ce lit d'orphelin où l'on rêve d'une vie meilleur, notre regard tourné vers la fenêtre et le ciel étoilé, ce ciel, que je contemple depuis ma venue au monde et où je met à espérer à chaque fois que je le regarde… J'ai de l'espoir. Et des rêves pleins la tête. Des fois, j'ai le regard dans le vide, songeuse, perdue dans les nuages… Pour une fois que c'est dans le ciel que je me perds, et pas dans mes pensées, ou mes souvenirs. Parce que ça perdue, je le suis souvent, j'ai peut-être l'être sûre de moi, mais ce n'est pas du tout le cas, j'ai tout aussi peu confiance en moi qu'en les autres, je suis perdue, dans cette vie trop difficile, je suis perdue, et je cherche encore des repères, quelque chose à quoi me raccrocher… Bon je sais que pour la famille maintenant c'est mort, j'aurais jamais les parents que je rêvais d'avoir, mais peut-être qu'un jour j'aurais une personne, qui m'aime vraiment, sans me mentir, sans tricher avec moi. Quelqu'un avec qui je pourrais enfin me sentir en sécurité, heureuse, épanouie…

Parce que mon beau sourire, il en cache des choses. Les secrets ne sont pas toujours bons à savoir, et ceux qui voudront mon cœur, devront aussi assumer de le prendre dans l'état où il a été laissé. Mais on s'accroche, n'est-ce pas ? Et puis quand ça va pas, quand rien n'arrive à me refaire sourire, que je m'enferme, que je commence à déprimer, que je ne veux plus ni peindre ni écrire ni danser, vous savez ce que je fais ? Je vais dans un parc, je m'assois sur un banc, ou sur l'herbe, je regarde la nature, ce monde fascinant, passionnant, et j'arrête de penser, de me souvenir, de réfléchir, je laisse la vie couler en moi et me redonner la force de tout affronter, même quand je me sens trop épuisée, que je ne me sens plus capable.

Je suis passionnée, je suis enflammée, je suis une force vive, brute, pure, de la nature, une sorte de volcan, de tempête, et c'est peut-être ça qui m'a tenu en vie toutes ces années plus dures les unes que les autres, je suis passionnée, je veux vivre, et pas juste survivre, mais bel et bien vivre, toujours à cent à l'heure, toujours aventurière, je veux vivre mes rêves, exister, malgré tout, malgré les désordres de la vie, les problèmes, les faiblesses, je m'accroche, et je veux sourire, tout le temps, je n'arrête jamais de lutter, je combats pour ma liberté à la vie et au bonheur.

1989, Dublin. C'était le début de l'hiver, quelque part dans la nuit froide et noire, isolée des lumières de la ville, abandonnée à l'ombre d'un bosquet d'arbres dans un coin de Phoenix Park. J'étais ce petit nourrisson ensanglanté qui pleurait, emmailloté dans des linges blancs couvert de sang, que soulevait dans ses bras le gardien de nuit. Les sirènes de l'ambulance me berçaient, enfin protégée du froid dans les couvertures de survie, tandis que l'on me conduisait à l'hôpital le plus proche pour recevoir les premiers soins. A part l'hypothermie je semblais en bonne santé, l'on me garda en observation quelques temps, une enquête fut ouverte pour retrouver mes parents, sans résultats.

Normalement, une jolie petite fille orpheline avec ses beaux cheveux roux et ses petits yeux bruns verts, son sourire à faire fondre les cœurs, ses petites joues roses et son caractère d'ange, ne reste pas très longtemps à l'orphelinat avant de se faire adopter, pourtant aucun futurs parents ne m'a jamais choisis. J'ignore vraiment pourquoi, pourtant j'en ai vu de mes amis de l'orphelinat partir avec une gentille famille. Un jour j'ai voulu demander pourquoi les papas et les mamans ne voulaient pas de moi, et on m'a servis les mensonges que l'on donnait habituellement aux enfants pour les calmer et les rassurer, et surtout pour pas qu'ils posent trop de questions.

Donc je suis restée là, toute mon enfance, dans ce grand bâtiment de pierres grises, à dormir toutes les nuits dans un dortoir surpeuplé et où il faisait froid, à passer mes journées avec tous ces autres enfants dans les classes ou à la salle de détente. J'étais une petite fille très timide et réservée à l'époque, je me faisais souvent embêter par les grands, mais je disais rien. J'étais sage et calme, mais assez angoissée parfois, on se moquait de moi parce que je pleurais beaucoup. Là-bas on nous apprenait des choses comme l'anglais, les mathématiques, l'histoire, la géographie… dans tout ça, moi j'aimais pas grand-chose, j'avais beaucoup de difficultés avec les mathématiques, mais par contre j'aimai bien écrire, et puis ce que j'aimais vraiment beaucoup aussi c'était le dessin. Je m'appliquais quand même à être une bonne élève, j'étais obéissante, même si des fois ça m'arrivait de prendre des grosses colères.

A l'adolescence, toujours rien, jusqu'à ce fameux jour, je me souviens, c'était le 22 février 2002. Des gens, très gentils, sont venus me voir, c'était les "Smith" un couple sans enfant qui cherchaient à adopter une petite fille, et la maman, Sarah, avait l'air tellement douce, elle me souriait tout le temps et m'a même prise dans ses bras. La procédure à pris un peu de temps, mais quelques mois plus tard j'avais fait mes valises, enfin, ma valise, avec le peu d'affaires que j'avais en 13 ans de vie ici. Et ils m'ont emmené avec eux jusqu'à leur grande maison où nous allions vivre une vie heureuse, où j'aurais enfin une famille, et où je m'appellerai maintenant Amelia Smith. Enfin, c'est ce que je croyais.

Le service de l'adoption était assez surchargé, et les enfants comme moi, qui à leur âge avaient peu de chance pour se faire adopter maintenant, étaient des charges en plus dont il était difficile de se séparer, à moins de nous trouver un foyer ou une famille d'accueille, mais encore c'était pas toujours facile, il y avait plus d'orphelins que de maison pour nous prendre, même pour quelques temps. Alors quand les Smith avaient voulu adopter la petite Amelia, montant un dossier en béton et sans la moindre anomalies apparentes, l'orphelinat n'avait pas été creuser très profondément avant de leur accorder l'adoption et de se débarrasser de cette bouche à nourrir.

Mais voila, la voiture des Smith, qui n'était d'ailleurs qu'un faux nom, ne m'emmena pas jusqu'à la nouvelle maison, dans cette nouvelle famille, dont j'avais rêvé toutes ces années. Nous roulâmes longtemps, pendant des heures, sur des petites routes. Puis la nuit venue nous nous sommes arrêtés à l'orée des bois, j'ai commencé à avoir peur, comprenant que c'était pas normal, et que j'étais en danger. Alors j'ai voulu descendre de la voiture, prétextant une envie pressante pour que la femme me laisse sortir, les portes étant verrouillées, une fois dehors, et malgré le couple qui me surveillait, je m'enfuis vers le bois, cherchant à me cacher dans la forêt, mais l'homme avait anticipé ma tentative de fuite et je ne pu faire qu'une centaine de mètres avant d'être rattrapée. Il me ramena à la voiture, m'attacha les pieds et les mains et mis un scotch sur ma bouche pour m'empêcher de crier. Une autre voiture arriva, conduite par juste un homme, je me débattu mais ils me maitrisèrent vite, et m'enfermèrent dans le coffre.

Je suis restée dans le noir, affamée et assoiffée pendant de très longues heures, jusqu'à qu'on me fasse sortir enfin pour me faire monter à bord d'un petit bateau où l'on m'enferma dans cale, je cherchai toujours un moyen de m'enfuir, j'avais vraiment très peur, mais ils étaient plusieurs hommes et je faisais pas le poids contre eux. Là ils me donnèrent enfin un peu à manger, je luttai pour pas m'endormir, mais je finie pas sombrer épuisée par le sommeil, ou pas autre chose.

Je m'éveillai des heures plus tard, nue, attachée, j'avais mal partout, mon corps était couvert de bleus et de sang, je ne comprenais rien à ce qui m'arrivait et j'étais terrifiée. L'on me fit sortir de la cale puis descendre du bateau, sans même prendre le temps de me redonner des vêtements, avant de me renfermer au fond d'un coffre. Encore des heures de voiture et quand on me rouvrit enfin ce coffre où j'étais entrain de développer une profonde claustrophobie, nous étions devant un hangar abandonné dans un quartier malfamé à la périphérie de Liverpool, enfin moi personnellement je n'avais absolument aucune idée de là où j'étais.

Pour la suite, je préfère encore ne pas en parler, j'ai vécu plusieurs années exploitée par ces hommes qui nous gardaient prisonnières, du hangar aux hôtels miteux ou de luxes en passant par les rues sombres de Liverpool, prostituée jusqu'à l'âge de mes 19 ans. Ils nous droguaient, nous menaçaient, nous faisaient du mal, nous vivions dans la terreur et dans l'horreur. Jusqu'au jour où il y a eu une descente de police, Tanya, une de mes amies là-bas récemment arrivée dans cet enfer, était une indic des flics, grâce à elle, et à leur boulot, ils ont pu faire tomber le chef de cette organisation, ainsi que tous ses adjoints et tous ceux qu'ils avaient pu retrouvé qui avaient participé de près ou de loin à ce trafic.

Après ça, après le temps que j'ai du passer à l'hôpital, et le temps au bureau de police à devoir raconter notre histoire, il a fallu que je parte, que je m'éloigne de ces années noires, de cette ville où chaque coin de rue et bâtiment me rappelait un mauvais souvenir. Tanya, enfin ce n'était pas son vrai nom, m'avait proposée son aide, pour m'aider à trouver un logement et un travail, et m'encouragea à suivre un programme de désintoxication. Elle m'aida aussi à me faire régulariser pour que je puisse rester en Angleterre, j'obtiens donc la nationalité britannique, de vrais papiers, et repris mon ancien nom, Wood, que l'on m'avait donné à cause de l'endroit où j'avais été abandonnée, pensant que jamais plus je ne supporterai de porter ce nom de Smith que m'avaient donné les gens qui m'avaient fait ça. Mais je n'étais pas en état de faire confiance à qui que ce soit, pas même à un flic, même si nous avions été amies. Je voulais partir le plus loin possible de tout cela. Elle insista tout de même pour me payer un billet de train pour Londres, et me donna un peu d'argent, en me faisant promettre de ne pu toucher à la drogue, et surtout, de prendre soin de moi.

Londres, une ville tentaculaire, immense, monstrueuse. J'étais perdue ici, mais j'étais décidée à réussir à m'en sortir, j'avais passé trop d'années sans vivre. Après avoir passé quelques jours dans la rue, je me trouvai une petite chambre dans un hôtel lugubre que je louais avec l'argent de Tanya, le genre d'hôtel où je m'étais retrouvée plusieurs fois avec des clients. Je me mis à la recherche d'un travail, mais je n'avais rien, je n'avais fait aucune étude, pas la moindre qualification, je ne savais rien faire, à part ce qu'on m'avait forcé à faire, mais j'étais incapable de recommencer, et de repartir me prostituer dans la rue. Finalement je finis par me trouver une place de danseuse strip-teaseuse dans un club de Soho, ce n'était pas idéale, je devais parfois donner un peu plus que je ne l'acceptais à des hommes inconnus pour satisfaire la clientèle.

Mais le manque était difficile à supporter, j'économisai le moindre sous, et j'avais besoin de plus d'argent que je n'en gagnais pour garder ma chambre et me nourrir un peu, et puis j'avais promis à Tanya, pu jamais de drogue. Je dénichai un groupe de désintoxication où je me rends encore une fois par semaine, deux quand ça va pas. Depuis, j'ai failli plusieurs fois replonger, c'était dur, mais j'ai tenu bon, et je tiens encore.

Je finis par devoir quitter la chambre, je me retrouvai à nouveau dans la rue, avant d'aller vivre dans un squatte pendant quelques temps, parce que je n'avais pas assez d'argent pour pouvoir louer une autre petite chambre quelque part. Mais les choses se passèrent mal, un soir, je me fis agresser par une bande, quand je revins à moi le lendemain j'étais à l'hôpital Saint-James dans un sale état. Je n'avais aucune attache, pas de famille, rien, à part cette carte des drogués anonymes sur moi, ils prévinrent l'organisation qui envoya un membre me récupérer, celui-ci m'accueillit chez lui pour quelques temps, n'acceptant pas que je retourne dans la rue.

Il s'appelait Derek, il sut trouver les mots pour m'amadouer, moi la fille sauvage qui fuyait les hommes comme la peste. C'était un homme doux, et tellement tendre. Nous étions tombés amoureux, et nous vivions maintenant ensemble en temps que couple. J'avais quitté mon travail sur sa demande, parce que même si je ne me prostituais plus, le patron me demandait quand même quelques services du genre pour des clients si je ne voulais pas perdre mon boulot. Il m'aida à me trouver une place de serveuse dans un cabaret correcte où il n'était plus question d'être obligée de coucher avec qui que ce soit.

Nous avons passé plusieurs mois ensembles, et peu à peu, chaque jour passant, je découvrais sans le voir Derek, et son double visage. Sous son apparente gentillesse et bonté, se cachait un homme violent, colérique, manipulateur, narcissique, possessif, jaloux et méchant. Il avait utilisé sa fausse bienveillance pour m'attirer à lui, et se rendre indispensable à moi. Il savait exactement ce dont j'avais besoin après tout ce que j'avais vécu, il m'avait donné ce réconfort, cette douceur, cette sécurité, pour finalement m'avoir sous son contrôle.

Un jour, j'étais rentrée en retard après la fin de mon service, il y avait eu un accident ce soir là au cabaret et j'étais restée pour aider, il m'avait attendu, et il m'avait bondis dessus à peine avais-je franchis la porte de l'appartement. Il était furieux, convaincu que j'avais été couchée avec un autre, il ne me laissa même pas le temps de m'expliquer et se mit à me frapper jusqu'à que je tombe inconsciente. Au matin j'étais encore à l'hôpital Saint-James, encore méchamment amochée, immédiatement je décidai de rompre avec Derek, mais ce genre d'hommes savent s'y faire, quelques excuses et promesses de ne plus jamais lever la main sur moi réussirent à me convaincre.

Mais au cours des mois, je devins comme une habituée de l'hôpital, hématomes, foulures, os cassés, plaies, sans compter toutes les fois où il me forçait à coucher avec lui alors que je refusais. Il ne faisait pas que me battre, c'était aussi un pervers, et un sadique, il se livrait à des sortes de " jeux " sur moi, il m'humiliait et me faisaient subir des choses qui s'apparentaient à de la torture. Je ne disais rien, préférant me murer dans le silence, honteuse, et dans l'incompréhension fasse à cette violence de Derek. Je ne parvenais pas à croire que c'était la même personne qui d'un jour à l'autre me serrait si tendrement dans ses bras, ou m'étouffait dans ses mains jusqu'à que je tombe inconsciente. Il me tenait dans une telle terreur qu'il parvint à avoir toute autorité sur moi.

Un jour, en rentrant plus tôt, je le découvris défoncé dans le salon, il avait replongé, et depuis pas mal de temps, mais il me l'avait caché. Il n'allait plus aussi depuis un moment aux réunions des drogués anonymes, il m'avait expliqué qu'il n'en avait plus besoin et qu'il était définitivement clean. Il y avait pourtant les signes de l'addictions juste sous mes yeux, mais je refusais de les voir. Mais ce soir là, les choses devinrent enfin clair dans ma tête, aussi terrifiée que j'étais par cette homme, je décidai que ce n'était qu'une ordure et que je ne me laisserai plus faire. Lorsqu'il se réveilla quelques heures plus tard je n'étais plus là, j'avais pris mes affaires, et disparu dans la nuit.

Le lendemain il alla me trouver à mon boulot, tellement fou de rage qu'il n'attendit même pas de m'avoir seule pour lui et se mit à me frapper violemment devant tout le monde, le gardien de la sécurité voulu le foutre dehors mais Derek essaya de le frapper lui aussi, entrainant une bagarre entre les deux hommes. La police dut intervenir et il fut amené au poste, tandis que blessée j'étais encore une fois conduite à l'hôpital. Je ne fus pas capable d'attenter un procès contre lui, mais j'obtenu tout de même une injonction l'interdisant de m'approcher à plus de 100 mètres. Je quittai mon travail à regret, j'avais beaucoup trop peur qu'il revienne me chercher ici, mais mon patron m'aida et me trouva une place de danseuse dans un autre cabaret dont il connaissait le gérant, m'assurant que je n'aurais aucun problème là-bas et que l'établissement était tout à fait correcte.

Grâce à mes économies et à mon petit revenu je pu enfin emménager dans un petit studio que je louais à Brixton, le quartier était des plus dangereux et mal fréquenté, mais c'était le seul où je pouvais trouver quoique ce soit à louer qui soit dans mes moyens. Mon nouveau boulot était tout à fait convenable comme promis et je n'eu aucun souci là-bas. Mais Derek rodait toujours, il savait que si j'avais changé de travail, j'étais toujours dans un des cabarets de Soho, l'interdiction de m'approcher ne lui faisait pas peur, surtout quand il était raide défoncé. Il finit par me retrouver, mais au lieu de s'attaquer directement à moi il attendit la fin de mon service pour me suivre jusqu'à chez moi où il m'agressa de nouveau.

Je n'ai jamais osé retourner voir la police, pas après ce qu'il me fit ce soir là, j'avais beaucoup trop peur, mais je refusais de revenir avec lui, et de céder à ses pressions. Alors depuis il continu de me harceler, venant me voir à mon boulot, me suivant dans la rue, où me tombant dessus quand je rentre chez moi. Je suis toujours très prudente, surtout en vivant dans un tel endroit, mais il finit toujours par m'avoir. A cause de lui il m'arrive encore de temps en temps de me retrouver à l'hôpital Saint-James, pour de mauvais coups et de méchantes entailles.

J'espère que les choses vont s'améliorer, parce que même si j'essaye de tenir le coup, rien n'est facile. J'aimerai pouvoir avoir assez d'argent pour déménager d'ici, mais ce n'est toujours pas suffisant, je me suis remise à peintre, et à écrire, je suis plutôt douée, même si cela fait bien longtemps que je n'ai pas dessiné ou pris le temps de raconter des histoires, depuis l'orphelinat de Dublin qui me semble très très loin maintenant. Je rêve un jour de réussir à vendre une de mes toiles, ou à me faire éditer, pour pouvoir gagner assez d'argent pour me sortir de là, et réussir à vivre un peu mieux.