Cela faisait trois semaines que je n'avais pas adressé la parole à Thisbe. En fait, la dernière fois qu'on s'est parlé c'était depuis que je l'avais embrassé et qu'elle avait prolongé mon baiser. Grâce au ciel, elle ne le dit à personne, peut être avait elle honte ? En tout cas je ne pus la regarder droit dans les yeux ou être dans la même pièce qu'elle, ce n'était pas possible. J'avais trop peur de ce qu'elle allait me faire ou dire. Et puis c'était tellement embrouillé dans ma tête, je la voyais autrement que comme une concurrente ou comme une ennemie. Je la voyais avec des yeux plus doux, avec des pensées plus positives. Mais bon, ça je n'en parlais à personne, ou peut être juste à Sami car il me voyait changer et lui seul pouvait me comprendre et pouvait m'aider dans cette situation. C'était tout de même ma moitié, mon âme soeur.

Mais tout ça s'effondra, ces trois semaines de silence se brisèrent et tout ça pour un patient. Le chef du quatrième étage me mit avec Thisbe. J'ai essayé de répliquer pour des excuses complètement bidons mais rien n'y fit, je suis avec elle point à la ligne. Bon j'allais faire avec comme on dit. Je me rendis donc dans la chambre du patient, un certain Fitzpatrick. Ce n'était pas mon patient habituel mais il manquait des gens de service car ils étaient partis en vacances. Je regardais son dossier pour voir de quoi il était atteint et pour voir les améliorations de son cas. A voir le dossier, il s'empirait de jour en jour et il voulait mettre fin à ses jours le plus rapidement possible. Heureusement on était là pour lui et on pouvait l'aider dans ces moments si difficiles pour lui. En tout cas il avait besoin d'être suivi et bien sur on lui donnait quelques anti dépresseurs et des calments. J'essayais de parler un peu avec monsieur Fitzpatrick. Aujourd'hui il avait l'air d'être en forme, c'était un bon début déjà. Puis j'entendis la porte s'ouvrir, c'était Thisbe. Elle avait l'air d'aller bien à première vue. Elle me demanda comment allait le patient. Bien sur, je ne pouvais pas dire des choses négatives devant le patient alors je dis un peu de vérité :

Aujourd'hui il pète la forme, hein monsieur Fitzpatrick ?!

Il répondit positivement et nous fit même une blague. Je riais par politesse mais sa blague était complètement pourrie. Puis je me tournais vers Thisbe. Je ne savais pas vraiment quoi lui dire mais j'avais une tonne de questions en tête : Pourquoi m'avait elle pas adressé la parole depuis tout ce temps ? Pourquoi elle m'a mis une claque alors qu'elle a poursuit le baiser ? Quel sentiment avait elle envers moi ? Tant de questions sans réponse. Je lui posais carrément au contraire.

Sinon tout va bien dans le service ?

Je ne savais pas pourquoi j'étais gentil avec elle et pourquoi je ne lui en mettais pas plein la gueule...

Notre patient était plutôt en forme aujourd'hui mais ses résultats n'étaient pas très bon. C'était tellement dommage de voir un gars aussi gay mais tellement mal en point. Avec Thisbe, malheureusement on nous avait mis ensemble, il fallait qu'on trouve une solution à sa maladie. Mais là, je ne pouvais pas me concentrer à fond, il y avait autre chose qui me préoccupait, cela me préoccupait tellement que j'étais gentil avec Thisbe, c'est fou ça, c'est bien la première fois. Je demandais alors à ma collègue comment ça se passait dans le service. J'aimais être au courant de tout ce qui se passait au quatrième étage et même dans tout l'hôpital. Avec mon meilleur ami Sami, on adorait se raconter tout et n'importe quoi sur l'hôpital et en moins de deux, on savait tout ce qui se passait. Enfin bref, elle me dit que rien n'avait changé, après tout, je suis rentré dans cet chambre il y a à peine une vingtaine de minutes. Je ris alors à sa réponse. Mais, mais qu'est ce qu'il m'arrive ? Pourquoi je rigole avec Thisbe ? Oh mon dieu j'ai un problème !

Puis avec Thisbe on devait parler du patient mais aussi de nous et de notre relation ou plus particulièrement, de ce baiser. Je n'étais pas le seul fautif dans cette histoire. Thisbe avait prolongé le baiser. Avait elle aimé autant que moi ? J'aimerais bien qu'on soit sur la même longueur d'onde. Mais c'est clair que je ne lui dirais pas clairement ce que je ressens pour elle et puis je n'en suis pas si sûr moi même. Ca me fait plutôt peur d'ailleurs. Avec Thisbe, ça fait des années qu'on s'en met plein la gueule, qu'on fait tout pour être meilleur que l'autre et là notre relation prend une toute autre tournure. Là, il fallait qu'on mette les choses au clair car c'est sûr qu'on sera amené à travailler de nouveau ensemble et si nos histoires nous préoccupent tellement, à force on mettra des vies en danger à cause de nos petites histoires privées. Je lui répondis alors à ce qu'elle me dit lorsqu'on sortit de la chambre :

Je suis bien d'accord avec toi, faut qu'on en parle. C'était une erreur de ma part de t'embrasser désolé ...

Je voulais nier absolument les sentiments que j'avais pour elle mais mon coeur me rappela à l'ordre et il fallait que je sois honnête avec elle, mais surtout avec moi même. Je repris :

Non, oublie ce que j'ai dis, j'en avais très envie de ce baiser et mes pulsions ont été plus fortes que ce que je croyais. Désolé de t'avoir pris au dépourvu, je n'aurais pas dû. Si tu veux on oublie tout ...

Je baissai la tête et regardai mes pieds. J'étais tellement nerveux et mal à l'aise. Jamais je n'aurais pensé dire ça à Thisbe un jour...

Cela me choquait ce que me dit Thisbe. J'ai cru que j'allais être complètement con en lui disant ces mots. J'avais même carrément mis ma fierté de côté pour lui dire tous ces mots, toutes mes pensées, tous mes sentiments enfouis au fond de moi. D'ailleurs, je ne l'ai même pas dit à Sami. Bien sur il se doutait qu'il y avait un truc mais je lui disais que c'était à cause du boulot, enfin, je prétextais une excuse bidon mais je savais très bien qu'il ne me croyait pas. D'ailleurs, si ça allait plus loin ou si je me prenais un gros râteau, fallait que je lui dise, c'est tout de même mon meilleur ami. Enfin bref, mon regard était fixé sur mes chaussures, ne savant pas où me mettre. Puis quand elle me dit qu'elle ne pouvait pas oublier non plus, j'eus un sourire heureux mais je le dissimulais vite fait bien fait pour pas qu'elle ne voit cette immense joie en moi. Je ne voulais pas être faible face à ce sentiment qui s'emparait de moi. Après tout, elle pourrait l'utiliser contre moi avec sa fourberie, elle pourrait bien le faire.

Mais là je vis une toute autre Thisbe, une Thisbe que je connaissais pas et qui, je l'avoue, me plait de plus en plus. Elle s'excuse même alors que d'habitude, même si je me mets à genoux et la supplier, je pourrais me gratter. Cette conversation était plutôt bizarre, c'est la première conversation plutôt gentille entre nous. Je me posais tellement de questions dans ma tête. Mais qu'est ce qui nous arrive donc ? Je répondis à son sourire par un de mes sourires plutôt gêné puis lui dis :

Oh ce n'est pas grave, les premiers jours j'avais une belle trace et sur le coup j'avais bien eu mal mais maintenant c'est passé et... je t'excuse.

Un grand blanc s'installe entre nous mais ce n'était pas trop un silence gêné, c'était plutôt une conversation par les yeux. En un regard on se comprenait. Puis je rompis le silence en disant :

Mais qu'est ce qui nous arrive Thisbe ?! Pourquoi il y a cette pulsion de sentiments entre nous ?

J'avais besoin de savoir à quoi elle pensait elle aussi, si elle savait répondre à ces questions. Je suis doué dans plein de domaine mais l'amour est mon point faible.

Maintenant cette baffe c'était du passé. Certes j'avais eu mal pendant plusieurs jours parce qu'elle m'avait mis une vraie gifle comme on le voit au cinéma et aussi j'avais une grosse marque rouge et tout le monde me demandait ce que j'avais fait. Je leur répondais que je m'étais pris une porte. Bon, je passais pour un vrai débile mais je préférais dire ça que de dire que c'était Thisbe qui m'avait fait ça parce que je l'avais embrassé. Mais bon, je ne lui en voulais pas, en même temps je lui avais sauté dessus sans rien lui demander. Ce qui me choqua c'est qu'elle avait continué mon baiser. Et là on allait parler de ce moment fatidique, pourquoi on avait fait ça tous les deux ? Pourquoi on ressentait quelques sentiments pour l'autre ? Et pourquoi on est beaucoup plus gentil entre nous ? Normalement, dans l'ordre des choses, je dois la détester, lui en vouloir et lui en faire voir de toutes les couleurs. Mais non, j'ai pas envie. Depuis ces derniers temps, quand je la vois triste j'ai envie de la réconforter, de la prendre dans mes bras comme une petite chose inoffensive à qui on veut faire plein de câlin. Bon stop ! Ca ça ne me ressemble absolument pas, je ne suis pas comme ça. D'habitude je suis le salaud de base à qui on veut mettre des tartes tellement je peux être tête à claques. Bref, il fallait qu'on parle de ce changement entre nous, mettre les choses au clair et savoir ce que l'un pensait de ça et ce qu'il pensait de l'autre. Thisbe commença. Ce qu'elle me dit, je le pensais totalement, je pensais exactement pareil. Pourquoi ça nous arrivait ?! Je ne pus que continuer sa phrase mais je le dis tout bas, dans un souffle :

De t'embrasser ...

J'espérais qu'elle n'avait pas entendu ce que j'avais dit mais en même temps, j'avais envie qu'elle sache que mes lèvres voulaient se poser sur les siennes. L'espace entre nous commençait à se réduire peu à peu. Je levais mes yeux et plongeais mon regard dans le sien pour lui dire à mon tour ce que je pensais de tout ça :

Thisbe, je ne sais pas ce qu'il se passe entre nous, tout est embrouillé dans ma tête. J'ai envie de lutter contre ces sentiments qui m'envahissent mais je ne peux pas, c'est contre moi. Dieu sait que nous deux ce n'était pas le grand amour mais depuis quelques semaines c'est plutôt bizarre, la haine se transforme en affection ... Je voudrais vraiment arrêter tout ça, mais mon coeur ne veut pas.

Je me rapprochais encore plus d'elle. J'avais l'impression qu'il n'y avait que nous dans ce corridor, qu'on était seul au monde et que le temps s'était arrêté. Je ne voyais pas les patients, les médecins autour de nous. Seul Thisbe comptait à ce moment là. Ma main vint se poser automatiquement sur sa joue et mon regard était doux, tendre. Mais pourquoi je faisais ça ?!

Nous étions là, dans ce corridor, rien que nous deux. J'avais l'impression que le temps s'était arrêté, que plus rien ne comptait à part nous deux. J'avais envie de mettre les sentiments à plat, savoir ce que ressentait Thisbe face au baiser que je lui avais donné il y a quelques semaines de cela maintenant. En tout cas, je ne m'attendais pas à ce que le baiser lui ait plus, je pensais plutôt qu'elle allait me rejeter vu la claque qu'elle m'avait mise. Je m'en souviendrais toujours je crois. Là, peu à peu on s'avouait nos sentiments enfouis. C'était tellement plus simple quand on se détestait, au moins c'était clair. On se cherchait à longueur de journée, on essayait d'être meilleur que l'autre. Mais en ce moment même tout était chamboulé, comme si on tournait une nouvelle page du livre. Nous n'étions plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre, j'avais une folle envie de l'embrasser mais je ne voulais pas le faire par peur de prendre une claque à nouveau. Et d'un seul coup, elle me prit par surprise et m'embrassa. C'était un baiser tendre et amoureux. On dirait comme dans les films quand la caméra tourne autour des deux personnes en train de s'embrasser. Ici c'était la même chose, je profitais un maximum de ce baiser. Thisbe avait fait le deuxième pas et je comprenais alors ce qu'elle ressentait vis à vis de moi. Le baiser dura que très peu de temps malheureusement, j'avais très envie de recommencer à nouveau. Mais il fallait qu'on parle de ce qu'on ressent. Par contre, je ne m'attendis pas à ce que me dit Thisbe. Elle me proposa de sortir avec elle. Elle qui a une si grande fierté, elle m'a dit ça ?! Bien sur ça me fit un bien fou qu'elle me dise cela et la réponse était plutôt claire dans ma tête même si ça avait l'air tout embrouillé. Un grand sourire s'afficha sur mes lèvres, je lui répondis :

Je pense qu'on peut nous donner cette mini chance. Après tout, on peut essayer.

Oui, comme on dit, qui ne tente rien n'a rien. Ici c'était la même chose sauf que je pense que ça pouvait marcher nous deux, on avait tous les deux de très forts sentiments pour l'autre. Après lui avoir dit cela, je l'embrassais à nouveau passionnément et amoureusement et cela pendant de longues secondes. Je profitais de ses lèvres, de sa peau. Je lui caressais délicatement les cheveux. Puis au bout d'un moment, je lui demandais :

Comment on va faire pour le dire aux autres ? Et si on gardait ça secret pour le moment ?

Après tout, les meilleures relations sont celles qui ne sont pas exposées au grand jour.