Les vacances, personnellement je ne connaissais pas. Et pour cause : j’étais un des très rares membres du personnel à travailler sans compter ses heures. J’enchainais facilement les doubles et contre postes sans rechigner. Mes quotats d’heures supplémentaires et de récupérations battaient des records. Je reculais sans cesse mes jours de congès pour ne pas les prendre. Je ne vivais que pour mon travail. Euh… Mouais en fait, mon job n’était que ma seconde raison de vivre. La première étant la femme dont j’étais fol amoureux. Alors pourquoi faire passer mon métier avant ma vie privée me diriez vous ? La réponse était pourtant évidente et se résumait en quatre mots : amour à sens unique. La jeune femme dont j’étais fortement épris était ma meilleure amie Shiobban. Et je savais que je n’avais aucune chance avec elle. Son cœur battant déjà pour un autre homme. J’en souffrais et pourtant je faisais avec elle comme si de rien n’était. J’en avais pris l’habitude. Ma vie intime n’était qu’un océan de songes. L’espoir faisait vivre certes. Mais jusqu’à tel point ?Et dans mon cas, il n’y avait aucun espoir. C’était alors pour combler ce vide dans ma vie sentimentale que je me noyais dans le travail. Oublier ne servirait à rien. Shiobban, je l’avais dans mon cœur et dans mon âme depuis bien longtemps déjà. Bien avant qu’elle ne se mette en couple avec Hayden. Je le savais plus ou moins mais mes manques d’expérience avec la gente féminine et de confiance en moi me faisaient horriblement défauts. Au moins lorsque j’étais à l’hôpital, je me changeais les idées et je voyais des gens. Dans mon studio, mes jours de repos me paraissèrent une éternité. Je n’avais aucune famille et très peu d’amis. Rien pour me distraire. Je pensais sans cesse à Shiobban et ça me rendait fou. Je me demandais régulièrement ce qu’elle faisait. Avec qui elle était. Comment était elle habillée les jours où je ne la voyais pas… Je déprimais et mangeais très peu en l’imaginant dans les bras de son ex. Souvent lorsque j’étais seul, je m’étais surpris à avoir les joues humides. J’avais honte de l’admettre mais je pleurais. Sebastian qui m’avait déjà entendu m’avait conseillé de parler à ma meilleure amie. Mais je ne voulais pas. J’avais si peur de la perdre. Et puis je m’étais fait une raison. L’avoir en amie était déjà beaucoup pour moi. Plus que je n’aurai jamais pu espérer. On était très proche et on se confiait énormément de choses. Quoique sur ma vie sentimentale, officiellement elle ne savait rien. J’avais l’art et la manière pour détourner la conversation à ce moment là. Officieusement Shiobban se doutait surement de mon néant et peut être aussi des sentiments que je nourrissais secrètement pour elle. En fait je ne savais guère et me voyais mal la questionner à ce sujet.

Normalement aujourd’hui je devais être de repos. Heureusement que j’étais matinal car mon supérieur me téléphona à huit heures pour remplacer une collègue en arrêt maladie. Mon boss savait qu’il pouvait toujours compter sur moi. Une heure plus tard j’étais déjà de service. Et mon poste se termina à dix-neuf heures. Pour une fois je n’avais pas trainé pour rentrer chez moi. Shiobban venait au studio et on devait passer la soirée ensemble. Ces soirées là étaient des plus précieuses pour moi. Même si nous ne faisions que manger en regardant des DVDs que nous connaissions par cœur, au moins pendant ce temps là elle était à mes côtés. On rigolait bien ensemble et pour rien au monde je ne voudrais louper une de nos soirées. Ca faisait parti de nos petits moments à nous seuls.

Il était presque vingt heures lorque Shiobban toqua à la porte. Etant sous la douche, j’avais légèrement entendu du bruit. Me doutant de l’arrivée si attendue de ma meilleure amie, je me sèchais grossièrement et enroulais à quatrième vitesse ma serviette autour de ma taille. Quand j’ouvris et vis ma belle, mon cœur s’emballa. Si seulement Shio savait les effets qu’elle me faisait.. Bah justement pour qu’elle ne s’en aperçoive pas d’un, je serrai fortement ma serviette avec l’une de mes mains pendant que l’autre enlaça tendrement la jolie demoiselle. Les lèvres trouvèrent le chemin de son cou. J’adorais l’embrasser comme ça. Je pouvais ainsi sentir l’odeur de sa peau et celui de son shampoing. En jouant dans son jeu, je lui répondis :

" – Hum… Oui parait il… “

J’étais légèrement mal à l’aise si peu vêtu. En me mordillant brièvement la lèvre inférieure, je cherchais rapidement les vêtements que j’allais mettre. J’hésitais entre pyjama et… Bah en fait je préfèrais mon autre choix.

" – Je reviens… Je vais enfiler ça rapidos et je serais tout à toi… “

Je m’éclipsais dans la salle de bains. Je me sèchais mieux, mis mon boxer. Je me rasais même si je n’en avais pas forcément besoin. Je voulais me montrer présentable pour ma meilleure amie. Paf paf, un peu d’après rasage, je m’habillais et sortis de là en pantalon de ville noir, chemise blanche, cravate assortie au bas et pull rouge en col v. Je savais que mon style vestimentaire dévoilait mon côté coincé mais je n’avais pas à en avoir honte. Shiobban résistera t elle à l’envie de vouloir me voir plus à l’aise avec elle en essayant d’ôter ne serait ce que ma cravate ? J’adorais quand elle se chargeait de ma tenue vestimentaire. Ca me faisait rire. En attendant, je choisis un des films qu’elle avait pris et glissa le DVD dans le lecteur. Je m’installais à côté de Shiobban après avoir réchauffé les plats chinois.

" – En effet, je confirme, tu en as pris pour un régiment de soldats. Sinon ça va. Un peu fatigué mais ça va. Et toi ? Aujourd’hui je devais être en congés mais j’ai remplacé Betty. Tes muffins ont l’air succulents. C’est toi qui les a fait ? Sinon comment se passent tes vacances ? J’espère que tu profites pour te reposer comme il faut avant la reprise. Tu en avais besoin… “

En attendant la réponse de ma best, nous commençâmes à manger. Et ne sachant pas manier les baguettes chinoises, je pris la solution de facilité avec une fourchette.

Le fait que Shio ne s’était pas attardé sur ma nudité me soulagea dans un sens. Car elle devait savoir que cela m’aurait mis mal à l’aise. Mais dans un autre cela m’attrista aussi. Je voyais bien que je ne l’attirais pas. Elle m’en donna là une nouvelle preuve. Alors que je finissais de me préparer dans la salle de bains, je me demandais pourquoi je m’acharnais à m’attacher désespérément à elle. J’avais toujours su que jamais je ne serais son petit ami. Non… Jamais ! Pendant que je me rasais, ma vision se troubla et je me suis coupé. Je saignais. Hé merde ! Maudites larmes ! Maudits sentiments ! L’amour n’avait décidément rien de bon avec moi. J’avais besoin d’un verre et vite ! Boire. Pour simplement m’hydrater ? Non ! Juste pour me souler. Dommage ! Je n’avais pas caché d’alcool dans la salle de bains. Faudrait que j’y pense à l’avenir.

Nous commençâmes à manger chinois. Shiobban avec des baguettes. Et moi ne sachant pas les manier une fourchette. Pourquoi se tracasser la tête avec deux morceaux de bois alors qu’on avait tout ce qu’il fallait comme couvert pour se simplifier la vie ? Bref, je ne bronchais pourtant pas lorsque ma meilleure amie me piqua ma fourchette pour m’initier aux baguettes

" – Tu perds ton temps Shio… “

Cependant j’adorais lorsqu’elle s’occupait de moi. Qu’elle me montrait un minimum d’intérêt. Ca me faisait penser que je comptais quand même un tout petit peu pour elle. Mais ce qui m’énervait, c’était que j’avais les mains moites en sa présence et que je tremblais légèrement lorsqu’elle me touchait. J’espérais tellement plus venant de sa part que j’en devenais nerveux comme pas possible rien qu’en y pensant. Pourtant je savais bien que ce n’était que fantasme. Et les fantasmes ne se réalisent jamais. Sinon à quoi bon rêver ?

Finalement avec la méthide de Shiobban, je réussis à manier les satanées baguettes. Mais cela ne dura pas. Une bouchée c’était quand même déjà un bon début non ? N’ayant pas très faim, je me leva pour prendre une bière. Mon frigo en était rempli.

" – Tu en veux une ? “

D’un coup elle me parla de la fête d’Hallowen. Ma meilleure amie voulait que je vienne avec elle. Entre nous je me demandais bien pourquoi faire. Pour la regarder impuissant se faire draguer par d’autres hommes et qu’au final je finis la soirée seul comme un con alors qu’elle se sera trouvée un nouveau mec ? Non. Non franchement je n’en avais plus la force. C’était devenu bien trop dur de la voir fricoter ailleurs.

" – Je… Je sais oui. Mais je ne pense pas y aller. Je travaille ce jour là et je risque d’être trop crevé pour seulement aller m’amuser après le boulot. “

Mouais tu parles d’une excuse ! Shio me savait limite insomniaque. C’était juste que je n’avais pas envie ni le cœur à festoyer ces temps ci.

" – Ofet pendant que j’y pense ! “

Je m’éclipçais quelques secondes à la salle de bains et revins avec une composition de fleurs en mains. Je l’avais achetée pour ma douce meilleure amie. Une branche orchidées blancs tressée avec des roses rouges. C’était de toute beauté. Franchement j’ignorais comment les fleuristes faisaient pour créer des merveilles pareilles. Etant les fleurs préférées de Shio, je ne pus m’empêcher de la lui prendre.

" – C’est pour toi… “

Je lui offris les fleurs en rougissant légèrement. Je connaissais un peu le langage floral et savais que cela signifier aimer la personne d’un amour pur et sincère. Tout comme je l’aimais en réalité. Pourtant en guise de récompense je ne fis rien. Pas même un simple baiser sur la joue.

Shiobban voulait que je vienne à la soirée d’Halloween avec elle. Ce soir là, je l’imaginais déjà dans un costume des plus sexy. S’il y avait un concours du plus beau déguisement, j’étais persuadé qu’elle le gagnerait sans aucun problème. Je rêvais toutes les nuits de ma meilleure amie. Bien souvent, je fantasmais sur elle de façon pas très catholique et je m’en voulais. J’en étais honteux car des fois je repensais à mes songes en la regardant. Je sentais mes joues chauffer car je la désirais. Je voulais la connaître beaucoup plus intimement. Qu’elle soit ma première partenaire. Mais je savais que c’était irréalisable. Jamais Shiobban me verrait autrement qu’en ami. Et pour me consoler je n’avais que l’alcool et mon poignet. Cependant, je saturais. J’étais arrivé à un stade où je ne supportais plus ma solitude. Où je ne supportais plus d’être qu’un simple pote pour elle. Malheureusement j’étais bien trop timide pour dire les choses clairement. Je ne savais pas draguer ni même me mettre en avant. J’étais incapable de faire le premier pas. Même lorsqu’elle me tendait la perche en me questionnant sur ma vie amoureuse, j’optais pour la solution de facilité en changeant de sujet. Au lieu de faire ça, peut être que j’aurai dû ces maintes fois là en profiter pour lui demander des conseils. Je n’aurai pas eu besoin de lui avouer mon amour. Mais au moins à l’heure d’aujourd’hui peut être que j’aurai été capable de faire le premier pas envers elle.

En tout bien tout honneur, enfin presque, je venais d’offrir une magnifique composition de fleurs à ma meilleure amie. Je voulais tant qu’elle comprenne ce que je ressentais pour elle sans avoir à lui en parler. Je ne me sentais pas capable de lui faire une déclaration. Surtout pour me faire rejeter. Je préférais à la limite continuer de l’aimer désespérément plutôt que perdre son amitié. Je ne savais nullement ce que je deviendrais sans elle. Shiobban était heureuse de recevoir ce présent. Sa joie me ravivait le cœur. Lorsqu’elle me prit dans ses bras pour me remercier, je serrais notre étreinte. Ayant un bras autour de sa taille, de l’autre main je lui caressais doucement les cheveux. Le nez fourrait dans son cou, je respirais son odeur alléchante. Je mourrais d’envie de répondre à son bisou sur la joue par un véritable baiser sur la bouche. Je sentais le désir monter en flèche en moi. Là maintenant, je ne souhaitais qu’une seule chose : c’était de pouvoir enfin goûter à ses lèvres charnues. Ça faisait si longtemps que j’avais ce vœu. J’avais déjà bu deux bières avant l’arrivée de ma meilleure amie. L’alcool prit le dessus sur la raison. Laissant enfin mon cœur parler, j’approchais timidement ma bouche de celle de Shiobban lorsque cette dernière se détacha de moi et me tourna le dos pour admirer ses fleurs. Décidément j’étais incapable de m’y prendre avec les femmes. Même pour avoir un simple baiser, je me prenais des vents. Ce fut avec un gros pincement au cœur que je repris ma bière et que je la finis d’une traite. Avant de lui avouer.

" – Je… Je ne les ai pas choisi au hasard… “

Je me rendis dans la cuisine pour jeter ma canette vide et m’en prendre une nouvelle que j’ouvris aussitôt. Je sentais les larmes venir mais je refusais qu’elles tombent là maintenant. Ce n’était pas le moment. Surtout pas devant elle. Je me séchais rapidement les yeux avec ma manche lorsque je surpris Shio derrière moi.

" – Je… Je… Ce sont bien tes fleurs préférées non ? “

J’étais entrain de craquer nerveusement. Mais je ne voulais pas que ma meilleure amie se rende compte de mes sentiments et qu’elle ait pitié de moi. Je me sentais très mal à l’aise. Je bus quelques gorgées encore de bière…

" – Tu… Tu en veux une autre ? “