Charlie & Jayden

Lundi matin, cinq heures & demie, mon réveil sonne, je n'ai aucune envie de me lever, mais pourtant je n'ai pas le choix, je dois aller travailler, malgré mon horrible mal de tête significatif du trop plein d'alcool que j'ai encore ingurgité hier soir dans ce bar miteux. Ma vie se résumait depuis quelques mois à travailler & me noyer dans l'alcool en rentrant chez moi ! Vous devez certainement vous demander comment j'en suis arrivé là, tout simplement à cause du décès de ma femme & de ma fille, & par ma faute en plus. Je vous passe les détails, mais en gros, voilà pourquoi ma vie est si merdique en ce moment. La seule chose qui me fait tenir c'est mon boulot. Sauver la vie des gens, me permet en ce moment de sauver la mienne. Réussir une opération me mettait de bonne humeur & me faisait me sentir bien durant toute une journée.

J'étais donc dans mon lit, hésitant à me lever, au bout de cinq minutes je quitta mon lit douillet, jeta un coup d’œil à la photo de mes deux amours & me dirigea vers la salle de bain où je pris une douche rapide. Je mit une tenue basique, de toute façon je n'allais pas la garder longtemps parce que dés que j'arriverais à l'hôpital, je devrais enfiler la tenue réglementaire & ma blouse blanche par dessus. Je me dirigea ensuite vers la cuisine, dans le but de prendre un café, mais finalement je changea d'avis en voyant l'état de ma cuisine, et surtout l'état de ma cafetière. Tant pis, je prendrais un de ces café dégoutant que l'on trouve dans la machine de la salle de pause, cette foutue machine qui ne marche jamais & qui nous arnaque tout le temps. J'avalai cependant plusieurs tartines de confiture, j'avais une longue journée aujourd'hui et des tas d'opérations, surtout dans la matinée, il fallait donc que j'ai le ventre bien rempli pour tenir jusqu'à la pause du midi. Une fois prêt, j’enfilai ma veste et pris les clefs de ma voiture, sans faire trop de bruit pour ne pas réveiller, Grace, ma colocataire qui dormait surement encore, ou bien peut être qu'elle n'était pas rentrée, mais je n'avais guère le temps de me soucier de ça aujourd'hui sinon j'allais être en retard.

Après avoir roulé dans les rues de Londres pendant une bonne quinzaines de minutes , j'arrivais à l'hôpital me garant sur le parking. J'entrais ensuite à l'intérieur, il y avait déjà pas mal de monde, j'en profitais pour saluer quelques collègues titulaires & quelques uns de mes internes. Ah mes internes ! Ce que je peux les aimer. Bien sûr je ne leur montre pas, je joue le titulaire sadique, j'aime parfois les mener par le bout du nez, j'aime aussi les faire souffrir mais je fais tout ça par amour. C'est vrai après tout, titulaire ne rime pas forcément avec sévère ! La cardio est une spécialité très importante, ou l'on doit faire preuve de patience, de rigueur & de self contrôle. Le cœur est un organe vital, pas un jouet ! Et c'est ce que je tente d'enseigner à mes cher petits internes qui soit dit en passant sont vraiment très bons. Ils sont bien meilleurs que tout ceux que j'ai pu croiser depuis que je suis passé titulaire. Saint James méritait donc ça réputation ! Après les avoir tous salués, je montais à l'étage direction la salle de pause pour prendre ce fameux café dégoutant, mais j'avais besoin de ma dose de caféine pour tenir le coup. Une fois mon café prêt je ressortit de la pièce, errant comme une âme en peine dans les couloirs, attendant l'heure de visiter mes patients. Je marchais droit devant moi plongé dans mes pensées, tellement que je bouscula Charlie, la titulaire urgentiste de l'hôpital. Mon café ne se trouvait désormais plus dans mon gobelet mais sur sa blouse. J'étais gêné. Je leva les yeux vers elle, un sourire confus se dessinant sur mes lèvres « Je.. je suis désolé Charlie, je.. j'étais dans mes pensées et je t’ai pas vu. Tu.. tu vas bien ? » J’espérais quelle serais de bonne humeur, histoire de ne pas me faire incendier. Charlie était une personne vraiment gentille & que j'appréciais beaucoup, je n'avais donc aucune envie de me fâcher avec elle pour une regrettable histoire de café renversé.

5 heures et demi du matin. C’est trop tot pour organiser ce qu’on va faire le soir non? Ça parait si loin… Pour le commun des mortels organiser sa soirée pendant sa journée de travail c’est quasi normal, mais quand on est comme moi, obligée de se faire 24 heures de garde minimum d’affilée par semaine, on en peut plus et cette organisation devient futile. Quoi, ce soir j’avais prévu de … il faudrait que je dorme en sortant du boulot c’était sur mais il fallait aussi que je sorte faire un tour. Zac. Hmm voilà il faut que j’envoie un sms à Zac. Je ne pensais même pas qu’il était surement en train de dormir quand je lui envoyait en sms « hey baby t’es disponible ce soir? Je t’invite au resto ». La nourriture c’est notre principal point commun. Si je lui propose un restaurant il dira surement oui. Surtout si j’invite. Je connais un Français en plus qui fait des desserts magnifiques. Y a de quoi prendre plusieurs kilos sur un repas. Mais bon, vu l’activité que j’ai en dehors j’allais vite les perdre, et puis d’après mon psy je suis trop maigre. J’ai eu une période anorexique y a quelqus années et maintenant même si je bouffe je reste comme je suis. C’est la perte, je compense… Bref je pensais à ça, et puis à ma vie, à tout, quand je marchais dans les couloirs. Je me rendais dans une réserve pour chercher quelques kit de coutures. J’ai raté un point l’autre jour à cause de la fatigue et cela ne peut plus se produire du tout. J’avais tout prévu, y avait de quoi s’entrainer dans une des salles vides, sur un fruit, sur un steak, n’importe quoi mais il fallait que mes sutures soient parfaites.

Tout allait bien dans ma tête quand je sentis un choc me secouer, puis quelque chose de chaud, de très chaud, se déverser sur moi. Le café ! Ni une ni deux je retirais ma blouse pour éviter d’être atteinte et regardais mon tshirt en dessous qui avait prit mais heureusement il n’y en avait pas assez pour traverser et faire des dégâts. J’étais prête à bondir sur l’abruti qui m’avait fait ça. C’est un regard noir que je lançais à l’auteur de cette abomination. Jayden. Ok. Mon regard s’adoucit un tout petit peu. Je le déteste pas, c’est bien un des seuls collègues que je déteste pas d’ailleurs et qui n’a pas l’air de me détester. Après j’irai pas jusqu’au point de le désirer parce que ce n’était pas du tout le cas mais il est gentil et puis…Je sais qu’on se comprend.

- tu me dois une blouse neuve ! Et un café ! Et surtout pendant que je vais me changer tu vas me chercher deux kit de souture dans la réserve… sil te plait.

J’ai rajouté le s’il te plait derrière pour ne pas paraitre trop autoritaire sur le coup. Heureusement il n’y avait pas tant de monde que ça pour l’instant dans le hall principal de l’hopital et j’ai pu me permettre ma petite crise de nerf. Je m’épongeais un peu le tshirt avec ma blouse, j’allais me déplacer, j’allais faire tout ca , m’entrainer, puis me reposer, et attendre jusqu’à ce que la vague de 8 heures arrive aux urgences, comme d’habitude, quand tout à coup, mon bipper mais aussi celui de mon collègue Lewis se mirent à sonner à l’unisson. Tant pis pour le café , je remis ma blouse et fonçais aux urgences en tirant Jayden par le bras. Si nous étions bippés tous les deux c’est qu’il y avait une raison. Le brancardier commençait à annoncer le cas alors que le brancard n’était pas encore tout a fait entré.

« Enfant de sexe masculin, 5 ans et demi, malaise cardiaque, son cœur s’est arrêté une seconde dans l’ambulance mais il est reparti ses constantes sont stables mais basses »

Pauvre petit bout, mais ça arrive et il faut qu’on soit sur le coup. Je m’approchais du brancard pour lui parler avant de voir son visage. Je sais pas si j’ai déjà eu plus grand choc que celui là. Je le vis essayer d’articuler quelque chose mais il fallait qu’il garde ses forces et qu’il se taise… Mon fils.