Scott regarda l'homme face à lui lécher sa cuillère comme s'il c'était une sucette, et songea vaguement à lui en offrir un de ces jours. Comme toujours, ses paroles furent en total contraste avec son attitude, froide et terre à terre, expliquant simplement que les sentiments n'étaient pas nécessaire dans son travail. C'était donc comme ça que ça fonctionnait ? C'était logique, et tout le monde ne devait pas penser comme Dorian, mais... Scott avait tendance à penser qu'il avait l'attitude la plus logique face à tout ça.

Mais malgré ce qu'il disait, son expression avait tendance à se faire plus pensive, et Scott ne pouvait s'empêcher de penser à cette soirée ou il avait put voir le médecin dévasté par ce qu'il s'était passé à son travail. Il n'avait pas cherché à comprendre, n'avait pas voulu comprendre. Il s'était contenté de le distraire pour l'aider à oublier. Il pouvait jouer au cœur de pierre autant qu'il voulait, il n'en était pas un. Il se protégeait simplement.

Comme s'il avait entendu ses pensées, Dorian lâcha subitement sa cuillère, cherchant à rétablir une distance déjà bien réduite entre eux 2 en suggérant leur séparation. Scott répondit d'un bâillement suivi d'un grand sourire.

« Je comptais dormir dans la voiture de Fiona, mais maintenant.. Tu me ramène chez moi ? »

Il espérait bien qu'il accepte. Il adorait faire de la moto collé contre lui.

Malgré ses raleries, Dorian ne fut pas vraiment difficile à convaincre, et Scott se trouva bien vite confortablement installé derrière lui, les bras serrés autour de sa taille plus que de nécessaire. La tête posée sur son épaule, il ferma les yeux un instant, et fut soudainement réveillé par le mouvement brutal de Dorian qui ôtait son casque pour lui parler. Retrouvant mollement son équilibre, il cligna des yeux plusieurs fois, essayant de comprendre ce qu'il se passait. La phrase entendue mais pas encore analysée par son cerveau trouva finalement son chemin, et il regarda alentours, cherchant à se repérer.

« Heu... 2 rues plus loin, puis à droite et on y sera. »

L'agacement de Dorian ne lui avait pas échappé, mais il n'avait aucune idée de sa provenance. Parce qu'il s'était assoupi ? Comme bien souvent, il se contenta de sourire, et le médecin remis son casque avec un soupir agacé avant de reprendre la route. Peut-être tenait il à montrer qu'il faisait ça à contre cœur. Désormais réveillé, Scott se tenait peut-être un peu trop bas, ses mains se tenant autant au pantalon sur ses cuisses qu'à sa veste.

Ils arrivèrent assez vite à le demeure du jeune homme. Un immeuble pas vraiment récent, pas vraiment sale mais pas propre non plus. Scott descendit de la moto, glissant ses mains dans ses poches avant d'indiquer l'immeuble d'un mouvement de la tête.

« Tu viens ? »

Ce serait dommage qu'il ne fasse pas un petit tour du propriétaire tout de même. Après un court instant d'hésitation, Dorian installa l'antivol sur sa moto avant de le rejoindre, regardant avec une certain circonspection autour de lui. Pas d'ascenseur, il fallait monter les 2 étages de vieil escalier à pied. Scott sortit une clée digne d'une clée de donjon pour ouvrir la vieille porte et rentrer chez lui, Dorian sur ses talons.

"Mandie ?"

Pas de réponse, sa colocataire était donc absente. Le jeune homme se défit de sa veste qu'il laissa tomber sur le dossier d'un vieux canapé de récupération qui tronait en compagnie de meubles tous plus dépareillés les uns que les autres. La plupart étaient démodés et semblaient venir - à raison - des fonds de cave des londoniens qui se débarrassaient de ces vieux meubles hérités d'on ne sait ou. L'endroit n'était pas sale, mais usé et bordélique. La peinture du parquet était écaillée par le temps et sa couleur indéfini, enfin, la ou on pouvait le voir, sous les tapis ou les draps de protection qui le recouvraient. On pouvait facilement savoir à qui appartenait quoi. Prêt d'une grande fenêtre, une table d'architecte usée accueillait des piles de papier qui y étaient accrochées par de grosses pinces, tandis qu'à coté un grand tableau peint sur ce qui avait auparavant été une porte de placard attendait que son maitre vienne le continuer. Non loin, un espace couvert d'ébauches de sculptures, de poudre blanches et d'outils digne d'un chirurgien. La colocataire de Scott était dans la sculpture.

La pièce principale était leur pièce à vivre mais comme ils s'entendaient bien, ils vivaient l'un sur l'autre sans en être vraiment dérangés. Une grosse télé cathodique comme venue d'un autre temps faisait face au canapé recouvert de couvertures, tandis que sur le rouleau à câble qui servait de table basse trainaient encore les vestiges d'une soirée entre colocataire à regarder un film.

Le jeune homme ouvrit la porte du frigo pour en tirer une bouteille en verre remplie d'un liquide à la couleur indéterminée, et rempli 2 verres dépareillés du breuvage.

"C'est du jus de légumes, on dirait pas comme ça mais c'est pas mauvais."

Mandie était fan de ce genre de concepts bio. Ça compensait les cartons de pizza sagement empilés dans le frigo qui attendaient leur heure.

Scott sourit sans une once de gêne, amusé par le commentaire on ne peut plus juste de Dorian. Il aurait peut-être été moins conciliant s'il avait put entendre la comparaison avec une tumeur, mais... De toutes manières, c'était ça qu'il appréciait chez cet homme. Cette spontanéité tellement directe, presque enfantine. C'était rafraichissant et ça lui convenait totalement.

"Disons qu'on essaye d'être indépendant... Mais qu'il serait idiot de cracher sur les avantages que nos familles nous offrent."

Il avait conscience du potentiel ridicule de la situation et s'en fichait bien. Les choses étaient telles qu'il l'avait dit : Une volonté d'indépendance et un esprit bohème tout en acceptant ce que la nature et sa situation familiale lui offrait gracieusement. Et l'idée d’acquérir un meuble neuf lui semblait véritablement saugrenue pour le moment. Le jour ou il s'installerait quelque part pour longtemps, et encore... Ce futur la était suffisamment flou et lointain pour qu'il n'ait pas besoin d'y réfléchir pour le moment.

Il posa la main sur le bord de la haute table dans le coin cuisine qui avait vraisemblablement appartenu à un bar par le passé.

"Quasiment tous les meubles ici sont de la recup. Dans la rue, ce genre de choses. J'aime bien les objets qui ont de vécu... Quand je dis ce genre de trucs, les modèles sont toujours plus prompt à se déshabiller. Ils sont plus à l'aise aussi."

Un sourire chafouin vint appuyer cette remarque innocente. Le cliché de l'artiste qui amenait de parfait inconnu à venir s'effeuiller dans son atelier sentant bon la térébenthine était trop magnifiquement cliché pour ne pas être entretenu avec amour. Et puis, ça arrivait pour de vrai parfois.

Il laissa couler son regard sur les meubles autour de lui, se remémorant leurs diverses provenances. Il ne connaissait hélas pas toujours l'histoire de ces différents objets, mais cela faisait marcher l'imagination. Par exemple, les verres dans lesquels ils buvaient avaient été récupéré dans un pub qui faisait du ménage dans sa vaisselle et venait d’acquérir un nouveau service. Il porta son verre à ses lèvres et but une gorgée avant de se mettre à pouffer de rire face à la réaction outrée du médecin.

"C'est plutôt toi qui aime trop le sucre. Et Mandie est loin d'être au régime."

S'il avait du trouver un qualificatif pour sa colocataire, ça aurait plutôt été bonne vivante. Même si c'était un terme que beaucoup auraient du mal à associer à "Je mange des légumes bio", l'un n'empêchait pas l'autre. Il descendit un bocal de sucre en poudre qu'il posa à coté du verre de Dorian, laissant à l'homme le loisir de sucrer son breuvage s'il le désirait.